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22 novembre 2010 1 22 /11 /novembre /2010 03:27

Trois documentaires, sortis depuis le 27 octobre, très différents, un américain, un italien et un français, qui tapent sur le pouvoir. Pour l'un, il s'agit de taper sur le pouvoir des financiers et des lobbys dans la politique, avec méthode et rigueur, dans un documentaire sur la crise que nous traversons. La deuxième détruit, non sans humour et en utilisant une imagerie forte, la politique et la personne de Berlusconi, dans un docu qui a la nationalité et le caractère de l'Italie. Et le troisième tente de faire tomber les masques sur le pouvoir des médias, dans un documentaire qui essaye de prouver des faits, mais qui a du mal. Trois invectives donc, plus ou moins efficaces, mais toutes très intéressantes, et fondamentalement différentes sur la manière d'amener les informations et les accusations. Accusé(s), levez-vous!

 

INSIDE JOB

Charles Ferguson

 

3 étoiles

 

EN BREF:

La démonstration très mathématique des tenants et des aboutissants d'une crise honteuse, filmée comme un thriller, très haletant, très bien monté, qui frappe fort, avec précision et sans équivoque. Ferguson a cette ingénieuse idée de créer une histoire dans les faits, en construisant avec une grande intelligence un récit passionnant.

 

inside-job-2.jpg

 

Construit en cinq chapitres (I- Comment sommes-nous arrivés là? II- La bulle. III- La crise. IV- Responsabilités. V- Aujourd'hui.), ce documentaire impressionne. Charles Ferguson, diplômé du Massachusets Institute of Technology, a la crédibilité nécessaire pour s'attaquer à ce sujet: ce n'est pas un gaucho moorien, c'est un produit de l'excellence américaine. Il expose avec une époustouflante clarté les rouages de la crise, ne s'égare jamais, et se permet même de glisser de nombreux touches d'ironie, qui rendent son documentaire assez indispensable. La crise expliquée de manière extrêmement précise, parfois très complexe (on ne comprend pas toujours les schémas), mais toujours très claire, le réalisateur prend pour acquise l'intelligence du spectateurs, le sollicite beaucoup, et intéresse. Aucun temps mort, ça fuse, les infos s'enchainent et tout y passe, dans une construction fluide et solide: bref historique de la crise, dérégulation massive depuis Reagan, subprimes, crédits immobiliers abusifs, expulsions, faillites de grands noms, renflouements des banques par l'administration Bush, conflits d'intérêts, bonus, parachutes dorés, timidité des réformes de l'administration Obama. Inside Job (« un crime commis de l'intérieur ») explique la crise, et doit se voir comme un fabuleux outil pédagogique. Mais le réalisateur en fait bien plus: il en fait un thriller musclé ou les intervenants se répondent en ping-pong, la balle rebondit avec ferveur, les phrases s'entrechoquent et se répondent, et nous, spectateurs intéressés, on jubile, parce qu'en plus de signer un film passionnant et à la portée de tous, malgré des points difficiles d'accès, Ferguson signe un véritable thriller politico-financier, en donnant des sortes de rôles. On retrouve les machiavéliques, les profiteurs, les combattants, les opposants, les modérés, et ce dans un débat captivant. Un Wall Street à la Oliver Stone, mais en cinquante fois plus intéressant. Se rajoute à ces réussites la voix off, efficace et bien écrite, lue par Matt Damon, dont la voix est agréable, et un montage rapide, qui ne nous laisse pas une seconde de répit et qui passionne. Manquerait peut-être la dimension émotionnelle, et ces minutes de répit qui auraient pu permettre à Ferguson d'égarer sa caméra là où les gens sont frappés. En tout cas, un grand documentaire, un film utile et percutant, bluffant et édifiant.

 

inside-job.jpg

 

70% de réussite.

 

DRAQUILA – L'ITALIE QUI TREMBLE

Sabrina Guzzanti

 

3 étoiles

 

EN BREF:

Sabrina Guzzanti utilise avec intelligence toute une imagerie symboliquement forte pour démonter avec humour mais très gravement ce très cher Silvio Berlusconi. Elle réussit un tour de force: ressembler au style provoc et féroce de Michael Moore, et en tirer une dénonciation plus complexe qu'elle n'en a l'air, et réellement proche des plus démunis.

 

draquila-2.jpg

 

Avril 2009, Berlusconi est au plus mal dans les sondages. Et là, Dieu lui tend la main, un tremblement de terre se fait jour à Aquila, dont les populations sont déplacées ou parquées dans des camps de tentes, et Berlusconi pourra prouver qu'il est un vrai président, qui prend les choses très au sérieux, et dont la priorité est l'action. Et voilà la trouble-fête, Sabrina Guzzanti, qui rencontre les rescapés du violent tremblement, au départ admiratifs du Cavaliere, puis peu à peu décontenancés, quand arrive la désillusion. Voilà cette documentariste qui, sans états d'âme, va démonter point par point les actions et promesses d'un gouvernement corrompu et indigne. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle le fait de manière très efficace, quitte à parfois en oublier la finesse. Elle utilise une imagerie très forte, très osée, et du coup très percutante: elle compare Berlusconi à un vampire, utilise des images où il a l'air bête, lui incruste la tête dans d'anciennes sculptures romaines, fait littéralement tendre la main de Dieu vers lui, utilise avec insistance une infographie simple mais marquante, telle que la télé, la radio. Guzzanti insiste bien sur le caractère de l'homme aux mille scandales, qui fait des blagues douteuses, dénigre des communautés (telles que les gays), fait des promesses intenables (construire des milliers de logements d'urgence d'une mocheté incroyable et d'un coût exorbitant, alors que rénover la ville eut été beaucoup plus simple et moins onéreux), parque les italiens sous surveillance dans des camps de tentes, a les médias sous la botte et ne respecte en rien son principal public, le peuple. Sans compter ses scandales sexuels, ses frasques indigestes. Bref, la cinéaste condamne l'homme et se questionne: pourquoi réélit-on le dernier des imbéciles? Et elle est honnête, montre des réponses contrastées, prend un parti mais respecte l'autre. Et surtout, à la manière d'un Michael Moore en forme, nous fait rire. Sauf qu'elle a en plus cette force qui rend son film inquiétant, qui interroge sur le pouvoir en général dans nos pays occidentaux. Mais surtout, Guzzanti respecte les gens, et se place avec une vraie compassion du côté des plus démunis. Elle est dépitée, parfois découragée, mais toujours énergique. Et malgré certains aspects caricaturaux et un certain manque de finesse, son film est gonflé, drôle, intéressant, inquiétant.

 

draquila.jpg

 

66% de réussite.

 

FIN DE CONCESSION

Pierre Carles

 

2 étoiles

 

EN BREF:

Pierre Carles tente, parfois avec succès, souvent vainement, de démonter les médias français pour mieux prouver ses relations ambigües avec le pouvoir. La posture est défendable, l'accusation importante, le résultat est mitigé, Pierre Carles parfois décrédibilisé, et le film n'arrive pas totalement à ses fins.

 

fin-de-concession-2.jpg

 

Fin de concession (référence à la concession de TF1) a fait du bruit avant sa sortie, avec un Mélenchon qui traite Pujadas de larbin, de salaud à la solde du pouvoir (c'est violent, mais pas volé), et un Montebourg qui lance que « c'est le moment de taper sur TF1, chaîne délinquante » (pas faux non plus). Un bruit qui ne reflète pas tellement le film, qui a décidément du mal à frapper juste. Pierre Carles, réalisateur engagé et talentueux, a eu des affaires connues, et est devenue, très justement, la bête noire des plateaux télés, où il n'est plus invité. Ses documentaires ont dérangé, marqué, et il peut se targuer d'avoir fait bouger les choses, autant sur la scène publique que dans le milieu associatif (où il est très actif). Seulement voilà, Pierre Carles n'est pas en forme. Il le dit lui-même à longueur de film, il n'a plus la fougue d'avant (comme Michael Moore dans Capitalism: a love story), et il est trop connu pour faire ses canulars intelligents, qui l'ont fait connaître. Du coup, Pierre Carles se lamente, et est moins percutant que d'habitude, ce qui déçoit un peu. Il se trompe de jour pour assister au dîner des journalistes « importants », il n'arrive pas à obtenir ce qu'il souhaite (même Audrey Pulvar ne viendra pas à l'interview), il est réduit à foutre un coup de bombe argenté sur le scooter de Pujadas (pas franchement fin, même si la scène est assez cocasse), et il se décrédibilise (il le reconnaît) en prenant Etienne Mougeotte de haut, ce vieux qu'on rend presque attachant tant il paraît faible dans le film. Du coup, on est un peu déçus. On s'attendait à une attaque virulente des médias, on ne l'à qu'en partie, et les principales accusations tombent à l'eau. La posture de départ est bien compréhensible, sa conception des médias est intéressante, mais la posture d'arrivée est moyennement convaincante. Ceci étant dit, Pierre Carles nous régale tout de même plusieurs fois dans son film, et garde sa drôlerie et sa lucidité, son ironie et son charme. C'est jubilatoire quand il tape sur les doigts de Franz-Olivier Gisbert (patron du Point, que je trouve passablement insupportable), et c'est vraiment drôle quand il pointe, au Chili, l'imprécision des médias, qui ne lisent pas les romans et qui ne voient pas les films. Alors, si on sort un peu déçu de cette attaque en demi-teinte, le film reste assez intéressant, et surtout Carles ne se départ absolument pas de sa drôlerie, qui nous permet de passer un bon moment.

 

fin-de-concession.jpg

 

54% de réussite.

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commentaires

D
<br /> Bonjour Gagor, je suis en retard pour mes billets. J'ai vu Inside Job (il faudrait que je retourne le voir tellement ce film est riche. C'est rapide et nerveux. Il faut suivre. J'ai été très<br /> frappée par le cynisme et la mauvaise foi de certains témoins poussés dans leur dernier retranchement: atterrant, et Obama qui a pris les mêmes. Bon dimanche.<br /> <br /> <br />
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