L'ART D'AIMER
Emmanuel Mouret
EN BREF:
Comme toujours chez Mouret, un théâtre absurde et inintéressant autour du désir amoureux. Un festival de poncifs et d'acteurs lourdingues dans un film sans saveur.
Il faut au moins s'appeler Emmanuel Mouret pour appeler son film "L'art d'aimer". Plus cruche, c'est impossible. Dans son style très maniéré et pseudo-élégant, le cinéaste revient avec une sempiternelle variation autour du désir, de l'adultère. Et convoque un casting de choix pour incarner ces couples au bord du désamour, en quête d'expériences, d'aventures amoureuses. Comme d'habitude, des situations a priori burlesques, une légèreté très pensée (presque pesante, parce que ne s'autorisant pas la franche comédie). Changement ici: on ne s'intéresse plus seulement à un seul couple, à un seul adultère, on multiplie la lourdeur par 6, en imposant à chaque couple formé ou en formation une petite histoire sans conséquence. Au début du film, on est quasiment surpris: le petit prologue sur la petite musique de l'amour fait franchement plaisir, et constitue en soi un excellent court-métrage. Puis la lourdeur revient au galop: les petites phrases, comme des encarts entre les différents chapitres, sonnent comme des morales pas forcément très instructives. Des petites citations du style "en amour, il faut savoir être patient". Et on découvre, un à un, les différents couples de l'histoire, par scaynètes supposément amusantes (qu'est-ce qu'on se poile: environ deux gloussements dans le public composé d'une vingtaine de personnes pendant tout le film, et, allez, un rire collectif).
Si la patte de Mouret demeure reconnaissable, il y manque le liant, la durée, l'insinuation et la profondeur nécessaires à l'attachement.
Le Monde
Six couples, donc, en tout cas 6 femmes et 6 hommes, et six façons d'aborder l'amour et l'adultère, jamais commis. La voix de Philippe Torreton, pour donner un peu de cohérence à un ensemble totalement déconstruit, duquel on a du mal à voir le scénario. Après le meilleur moment du film (Stanislas Mehrar, compositeur, entend la petite musique de l'amour en pleine nature), après "Julie Depardieu fait un rêve étrange et prémonitoire", on a donc très rapidement l'image du couple Pascale Arbillot-Michaël Cohen, qui fait purement de la figuration. Ensuite, on s'intéresse au "vieux" couple Ariane Ascaride-Philippe Magnan, surement le plus intéressant du film, mais le plus survolé aussi (c'est dommage, vraiment, parce qu'il y avait quelque chose à creuser). Après, on a la première confrontation Frédérique Bel-François Cluzet (dont on a l'histoire complète dans la bande-annonce), qui vont en fait faire durant tout le film cinq ou six saynètes, toujours pareilles. Puis arrive le tic d'Emmanuel Mouret, un film dans le film, ou son actrice fétiche (l'insupportable Judith Godrèche) va orchestrer un jeu d'amour sans hasard entre Julie Depardieu (qui fait la même taille, les mêmes mensurations qu'elle) et Laurent Stocker (son meilleur ami, qui la désire, alors qu'elle ne peut pas tromper son mari, Louis-Do de Lencquesaing). Dans un hôtel, dans le noir, la Godrèche organise entre ces deux-là des petites sauteries, sachant que Stocker pense qu'il fait l'amour à sa meilleure amie. Et, comme une parenthèse, le dernier couple, Elodie Navarre-Gaspard Ulliel, sans faire de vagues, vient conter sa petite histoire. Le film ne manquera pas de se terminer sur le trio Godrèche-Depardieu-Stocker, le plus inintéressant, et le plus long du film.
Dans ces beaux appartements, on s'ennuie un peu, comme dans la vie. Finalement, cette comédie lente et courte est réaliste !
Elle
Emmanuel Mouret semble prendre plaisir à convoquer ici tous ses défauts. Un rythme qui patine, à cause surement de l'inintérêt constant du propos. Un survol automatique des seuls couples qui auraient pu valoir le coup d'oeil. Une direction d'acteur totalement bancale: alors que Ulliel, Navarre, Ascaride et Magnan sont dans l'effacement et la sensibilité, Cluzet semble être revenu dix ans en arrière (au temps des piètres comédies), Bel est toujours aussi insupportable d'exagération, Depardieu et Stocker cabotinent à l'unisson, et la meilleure, Judith Godrèche, atteint un summum dans sa non-crédibilité. Emmanuel Mouret expliquait dans une interview qu'il aimait bien ses comédies romantiques parce qu'il y avait un suspense. Cela nous rassure au moins sur un point: les cinéastes, quand il s'agit de parler de leurs propres films, n'ont aucune objectivité. Parce que son film est cousu de fil blanc, les séquences se suivent, se ressemblent et ne servent qu'à effilocher le semblant de contenu du film. On aurait aimé moins de sagesse, moins de poncifs, de vraies ruptures de style entre chaque couple (tous filmés de la même manière, sans aspérités, et sans sens, non plus). Ces bobos parisiens et leurs amourettes pleines de questions existentielles, on n'en a cure, ils ne nous touchent pas, ne nous font pas rire, et nous ennuient profondément. L'art d'aimer, à proprement parler, est bien mieux évoqué par des cinéastes qui ne s'en font pas les parangons. Il y a là une prétention gênante, qui dépasse totalement le spectateur, tant le propos est vide et indigent.
37% de réussite.
Le point FA2
Et un piètre film de plus, après Contagion, de Soderbergh. Depuis le 9 novembre, des changements pour le Festival, une polémique sur Christoblog à propos de 50/50, on a même pu parler de mai 68, d'annulation du festival, bref c'était assez burlesque, vu le peu de prétention du festival. Du coup, la petite et plutôt sympathique comédie américaine a tout bonnement été supprimée de la programmation.
Pour les films suivants (les prochains en date: Carnage et Shame), on craint le pire, et on attend le meilleur. La cuvée automne 2011 s'annonce tout de même bien moins reluisante que l'année dernière, et les choix des acteurs, actrices, scénarios et réalisateurs risquent d'être unanimes, la liste des prétendants s'amenuisant au fil des films...