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25 mai 2011 3 25 /05 /mai /2011 05:04

Festival de printemps

 

LA CONQUÊTE

Xavier Durringer

 

1 étoile bis

 

EN BREF:

Une attente de très longue date, une déception à la hauteur. On apprend rien, le film consiste en un empilement de petites phrases traitées des milliers de fois par les humoristes de tout poil, on s'ennuie ferme devant une vaste étendue de platitude. Reste le plaisir de certaines incarnations et quelques moments très drôles.

 

La-conquete.jpg

 

Commençons par une hypothèse. Si la déception est telle, c'est qu'on en attendait trop. Ouvertement, on voulait que le film soit incisif mais pas à charge contre Nicolas Sarkozy. Secrètement, on rêvait que le film cloue au pilori ce même N. S., et qu'il joue en faveur d'une éventuelle victoire de la gauche en 2012. Dommage, c'est un véritable portrait du personnage: comme on le connait, avec ses déclarations, qui sonnent aujourd'hui avec une ironie dramatique, et l'autre, en privé, un homme fêlé, atteint dans son rayonnement par une triste et pourtant si banale histoire d'amour. N'ayons crainte: le film ne jouera surement aucun rôle dans les résultats de la prochaine présidentielle. Alors donc on est déçu. On en entend parler depuis l'été dernier, quand une première image avait filtré: un Podalydés méconnaissable dans un bain de foule. Mystérieux, et plus qu'alléchant. A mesure que les révélations sur le film-évènement s'égrenaient, les attentes ne cessaient ne croitre. Et puis c'est en salle, et cette tension retombe comme un soufflé. La conquête du pouvoir par Sarko de 2002 à 2007, donc, avec en scène ses conseillers les plus proches (Pierre Charon, Franck Louvrier, Claude Guéant, Rachida Dati), sa femme (Cécilia Sarkozy), son faiseur de mots (Henry Guaino) et les personnages politiques que Sarko exècre (De Villepin et Chirac, bien entendu). Tous les acteurs (exceptés Denis Podalydés, Dominique Besnehard et Florence Pernel) livrent une imitation pas forcément parfaite de leur personnage (imitations souvent réduites au chapitre Guignols de la politique). En Cécilia Sarkozy, Florence Pernel est impressionnante, reproduisant parfaitement ce que nous connaissons de la femme. Reconnaissons aux deux autres acteurs sus-cités un jeu intéressant. Denis Podalydés réussit à rendre Sarkozy très ambigü et le fait presque sien, on reconnaît Sarko, avec ses tics, sa vivacité, son talent d'orateur populaire, et son constant rejet d'on ne sait trop quoi. Et puis on aperçoit Podalydés, par endroits, incrusté dans Sarkozy. Comme si les identités se bousculaient, et c'est assez fameux à regarder. Dominique Besnehard, quant à lui, campe un Pierre Charon truculent et bon vivant. Il donne à son rôle sa propre personnalité, et ne singe personne (comme le font Hyppolite Girardot pour Claude Guéant, Bernard Le Coq pour Chirac ou encore Samuel Labarthe pour De Villepin, sans convaincre du tout pour ce dernier). Besnehard nous fait beaucoup rire dans son clin d'oeil à Ségolène Royal (dans une scène qui ne s'est pas passé, puisque c'est Eric Besson qui conseillait alors Sarkozy pour le préparer à répondre à Royal lors du cathodique débat d'entre-deux tours).

 

Ni ironique ni poil à gratter, et surtout sans point de vue. (...) Denis Podalydès, dont la composition justifie une raison de voir le film, provoque néanmoins une empathie inattendue envers Nicolas Sarkozy.

Le Journal Du Dimanche


Autant la conquête du pouvoir par Sarkozy a pu nous passionner entre 2002 et 2007, autant on ne voit aucune utilité à la ressasser, surtout de la sorte. Xavier Durringer prétendait donner un souffle romanesque sur cette conquête, tout en respectant la réalité (les scènes en public sont reproduites scrupuleusement, les scènes en privé sont écrites sur des dires par Patrick Rotman, fin connaisseur du monde politique). Or il n'y a absolument aucun point de vue dans cette histoire, et on connait déjà tout. Durringer se contente de filmer les petites phrases choc, et les déclarations mille fois entendues, en plus drôle chez tous les humoristes politiques du PAF. Même les scènes en privé ont été relatées avec quasiment autant de détails dans tous les journaux, et la lumière a été faite depuis longtemps sur l'histoire (certes passionnantes et inédite alors) Cécilia-Nicolas. Les acteurs, trop concentrés à ressembler à leur personnage, n'osent pas prendre la liberté d'insuffler à ceux-ci ce supplément de jeu qui les rendraient passionnants. On attendait du mordant, du nouveau, on a une redite, en beaucoup moins bien parce que pas du tout surprenant. On s'ennuie ferme, encore heureux qu'il y a des scènes qui valent leur pesant de cacahuètes (mais pas plus), on pensera aux échanges Sarko-Villepin (qu'il est jouissif d'entendre Villepin s'exprimer ainsi), aux répliques déjà dites dans la bande-annonce (les meilleurs, il va de soi). Et heureusement qu'il y a cet énergumène, parfois mis en scène de manière assez intéressante: quand on lui apprend qu'il va gagner, c'est comme s'il s'en fichait. Il y a chez lui ce désir animal de vaincre, et pourtant il est stoppé net par une histoire d'amour. Ca reste assez drôle à voir, et c'est ce qu'on attendait sur toute la longueur. C'est effectivement cette seule scène qu'on retiendra, celle ou tous les conseillers sont euphoriques, et lui, seul, au milieu, qui va devoir s'emparer des problèmes de la France, et qui est défait, presque humilié par sa femme, en tout jamais préoccupé par les problèmes de la France. Là, on perçoit les failles du système Sarkozy, et c'est la seule fois où Durringer prend cette liberté d'examiner réellement le cas Sarkozy, au-delà du simple recouvrement de faits déjà connus par tous.

 

D'un côté, la dérisoire comédie sarcastique du pouvoir, des petites combines, des phrases vachardes que le film utilise à son compte comme des punchlines ponctuant la fin d'une scène et surtout le numéro embarrassant d'acteurs réduits à imiter des marionnettes (celles des Guignols voire du Bébête Show). De l'autre, un sérieux invraisemblable, plus du tout de sarcasmes pour raconter la fin d'un couple finalement comme tout le monde (tromperies, blessures, gros chagrin).

Les Inrockuptibles


Mais au final, on sort avec une déception d'un scénario loin des attentes immenses que suscitait le film, réalisé avec platitude, paresse et qui peine à nous intéresser. Et puis on ne peut s'empêcher de penser ceci: on nous annonçait une grande première, un cinéaste s'empare de l'actualité récente, et même actuelle. Il n'en est malheureusement rien, et c'est en cela que le film ne provoque ni réflexion ni une quelconque influence. N'y avait-il pas plus urgent, plus brûlant? Ne pouvait-on pas, en complexifiant la chose, faire un film sur la politique véritablement actuelle? 2007 nous paraît très loin, parce que Sarko, omniprésent, en fait constamment des tonnes, et parce que sa « république irréprochable » et son « travailler plus pour gagner plus » sont loin et ont amené chez beaucoup de français une rancoeur qu'il eût été utile de mettre en valeur. Aujourd'hui dans la presse, on peut parfois lire des témoignages accablants de personnes qui dénoncent un véritable « travailler plus, pour gagner moins ». Aujourd'hui, les bénéficiaires du RSA sont vus comme le « cancer de la société ». Je voudrais bien savoir ce que ceux-là pensent du film. Depuis 2007, Sarkozy défait la confiance qu'il avait reçu, en détruisant quasiment toutes ses promesses (excepté bien sur celles qui pourraient défavoriser un tant soit peu les bien lotis), recule sur ses propres initiatives (le Grenelle de l'environnement en est un exemple ahurissant), désarme tout le monde. N'y avait-il pas l'occasion ici de faire un film véritablement intéressant? Pourquoi nous remettre dans les pattes ce qu'on a déjà subi pendant cinq ans avant la présidentielle? Démago, peut être, mais diablement réel, et beaucoup plus intéressant, quand il s'agit d'un personnage existant, qu'une histoire d'amour qui tourne mal.

 

La-conquete-2.jpg

 

41% de réussite.

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commentaires

B
<br /> Mieux même, sur les sujets qui pourraient fâcher et entâcher l'image de NS, sont passés en off ou oubliés volontairement (Kärcher, violences sur sa femme qui retire finalement sa plainte, etc...)<br /> Parti pris donc, pour un film sans intérêt.<br /> <br /> <br />
Répondre
G
<br /> <br /> Je ne sais pas si le film est de parti pris, je n'en ai sincèrement pas eu l'impression, mais c'est vrai qu'il a mis des sujets de côté. pour la dramatisation du film, à la limite, on peut<br /> comprendre...<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> Tout à fait d'accord avec ta conclusion!<br /> <br /> <br />
Répondre
G
<br /> <br /> Merci!<br /> <br /> <br /> <br />

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