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9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 01:08

festival d'hiver

 

TAKE SHELTER

Jeff Nichols.

 

3 étoiles

 

EN BREF:

Un film d'apocalypse d'une étrange douceur (excepté lors des scènes de rêve), doublée d'une ferveur de cinéma. Comme si ces images étaient les dernières que Jeff Nichols filmaient... La fin est magique, le résultat impressionnant.

 

take shelter

 

Aux yeux d'un spectateur, Jessica Chastain évoque forcément la douceur. Des traits fins, une carrure frêle, et un jeu profond. Aux yeux de deux cinéastes qui ont tenté de filmer l'apocalypse, ou en tout cas ses prémisses chez Jeff Nichols, Jessica Chastain évoque aussi la douceur. La douceur d'une mère protectrice chez Terrence Malick, dans The Tree of Life, et la douceur d'une femme aimante chez Nichols. Une chose est sûre: cette douceur devient peu à peu indispensable au cinéma américain, l'actrice étant une révélation en 2011, et une certitude après Take Shelter. Un homme, Curtis LaForche, sent monter en lui l'apocalypse. Il a l'impression de voir arriver des pluies acides, dont les gouttes ressemblent à de l'huile de moteur, des ouragans terribles et des zombies en furie autour de sa voiture. Son chien devient une menace. Mais tout cela, il le voit pendant des rêves, périodes assez atroces pour lui, et assez éprouvantes pour le spectateur. Cela le plonge dans une incomfortable situation, et il se met à éprouver le besoin d'aggrandir, de sécuriser et de renforcer l'abri au fond du jardin. Il installe autour de son chien une clôture, et veut sécuriser son entourage, quand bien même il rêve de sa femme un couteau à la main. Entourage qui perçoit cette soudaine attitude d'un très mauvais oeil. La famille se disloque, et l'entourage commence à s'en rendre compte. Si bien que Curtis se demande s'il n'est pas en train de reproduire l'exemple de sa mère (schyzophrène), tant les symptômes sont insistants.

 

Traduction libre du titre : aux abris ! Voilà le mot d'ordre terrifié du premier grand film de 2012, sur fond de nuages noirs intermittents. Les plaisirs de l'apocalypse ne sont plus le privilège des blockbusters. Du coup, ils sont plus raffinés.

Télérama


Le film est baigné dans une étrange lumière et dans un cadre champêtre qui confine rapidement à la paranoïa. On se retrouve vite à la place de ce Curtis, et le film devient presque sensitif, à l'image du personnage. La vraie bonne idée du réalisateur est d'avoir imaginé un personnage sourd-muet, la fille de Curtis et Samantha. Par le prisme de l'éducation que doivent donner à leur fille ces parents dépassés, Jeff Nichols trouve un contrepoint sensible et terrien à son apocalypse. Dans ces scènes de dialogue en langage des signes se distingue une poésie du quotidien, une dureté aussi. En plus de la chute d'un homme aux yeux des autres, il y a la déliquescence complexe d'un couple, solidaire d'abord en raison de cet engagement éducatif. Nichols trouve ici un propos inattendu et déroutant, comme si son film ne l'était pas déjà assez. L'autre excellente idée, c'est bien sur d'avoir engagé un couple d'acteurs exceptionnel et très étonnant. Opposer Michael Shannon, qui a un corps trop grand pour lui, un visage qui ne parvient à rien cacher, et un parler qui le distingue, à Jessica Chastain, ne viendrait pas à l'esprit directement. Et pourtant sonne une évidence. Evidence qui saute aux yeux lors de cette scène dans l'abri, ou Samantha supplie son mari d'ouvrir la porte, lui assurant que tout est terminé. Les deux acteurs sont bluffants, lui au jeu puissant, notamment lors de la scène où il craque totalement, elle au jeu délicat et retenu, jusqu'au derniers instants.

 

Jeff Nichols a l'intelligence de jouer la carte de l'universalité et non, comme le scénario le laisse d'abord entendre, de la singularité.

Libération


Take Shelter est moins une vision de l'apocalypse qu'un portrait d'homme. Et pourtant, derrière ce portrait d'homme, il y a une caméra à l'affût, qu'on sent inquiète, réactive, instable. Il y a un cinéaste, qu'on sent passionné, qu'on sent vibrer d'une insatiable envie de filmer. On a comme l'impression d'être devant le dernier film, du dernier jour. On sent cette peur de la mort, omniprésente, on voit la crainte du désastre matériel, on vit l'étouffement que crée l'attachement familial, quand on sait que ça va se terminer. Combien de temps encore? Des années, des jours, des heures, combien? C'est cette attente que crée Jeff Nichols, une attente fébrile mais illusoire. Et quand arrive ce qui doit arriver, c'est la fin d'une lutte, c'est une reconnaissance, c'est une désillusion aussi. On s'attache au matériel, et on reste pris dans le tourbillon d'une catastrophe inévitable. A quoi bon attendre la fin. Nichols se rapproche, par sa propension à filmer la nature de manière tracassée, par son aptitude à filmer la douceur de Jessica Chastain, et par une certaine réconciliation finale, de Terrence Malick lorsqu'il filme son Tree of Life, même si celui-ci était plus planant, moins terre-à-terre. Take shelter lâche le spectateur sur une impression de douce ironie, une vision de l'apocalypse plus douce et moins menaçante que jamais. Si son film est habité d'une passion, d'une peur et d'une illusion, la fin de celui-ci est habitée de beauté. Et cela crée un impressionnant tout.

 

take-shelter-2.jpg

 

71%.

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commentaires

F
D'accord avec beaucoup de choses, notamment ta description de la douceur du film et de l'évidence du couple Shannon/Chastain, qui peut surprendre dans un premier temps. "Un corps trop grand pour<br /> lui", c'est une bonne description du comédien et de sa performance, toujours titubante, dans la retenue, jamais excessive (l'inverse de son rôle de "Bug" en somme). Un beau film, qui se bonifie<br /> encore après la vision.
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