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9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 00:21

UNE NUIT

Philippe Lefebvre

 

3 étoiles

 

EN BREF:

Un polar dense et poisseux, très ambiancé, filmé de manière électrique. L'image est très léchée, Roschdy Zem est impressionnant de droiture, et la réalisation ne lâche rien. Un bon film, qui en impose.

 

une-nuit.jpg

 

On va vers le film sans aucune attente, la bande-annonce fait peur plus qu'elle n'inspire. Premier plan, pas d'erreur, et déjà une rigueur dans le cadre. Roschdy Zem repère deux gars dans une camionnette. On ne sait pas, au final, s'il avait déjà compris. Il est flic, dans la Mondaine, Commandant Weiss. Il est secondé par son chauffeur, qui change, comme chaque nuit. Et commence la tournée des établissements de nuit. Etrange ambiance que celle dans laquelle nous emmène Philippe Lefebvre, inconnu au bataillon, qui n'a réalisé aucun film pour le cinéma depuis 1985. L'image suinte de poisse, on entre dans un univers de voyous, de "grands bandits". On rencontre les rois et les princes de la nuit, les chefs de tous ces petits larbins, qui font le sale boulot, dans les rues. Dans ce Paris endormi, on a l'impression de passer une nuit blanche, on a même cette sensation de légère pesanteur dans les gestes, et les yeux qui, a tout prix, restent ouverts, sinon c'est la promesse de ne jamais se réveiller à l'heure le lendemain matin. Et cette impression, elle nous suit toute la nuit. Il pleuviote, et règne dans l'air un climat oscillant entre le malsain et le calme. Lefebvre réussit à filmer une histoire où la tension est sous-jacente, on sait qu'il y a anguille sous roche, et pourtant la caméra se déplace, pépère, entre boîtes de nuit et clubs échangistes glauques, bars "respectables" et chantiers illégaux. Le Commandant est tendu comme un arc, ne se déparant jamais de son irascible visage, qui pourtant ne craque jamais. On sent ce gars-là connu, respecté des voyous, des dealers, des racketteurs. Et pourtant, sous couvert de "donnant-donnant" entre les voyous et lui, il évite à ces malfrats de se retrouver au placard, en leur soutirant des informations, et en leur promettant en échange sa protection.

 

Enfin un vrai polar français d'atmosphère qui s'appuie davantage sur les personnages et les acteurs que sur l'action.

Paris Match


Et c'est durant toute une nuit que le réalisateur nous promène de lieu en lieu, quitte à parfois se répéter, et nous ennuyer un peu. Des personnages, le film n'en manque pas, le milieu de la nuit non plus. Enchaînant cigarette sur cigarette, le Commandant, pilier central du film, résiste à la nuit, à cette moiteur ambiante parfaitement retransmise à l'écran. Des reflets, des lumières de réverbères, des trottoirs humides, des bruits de pas. On est avec eux. L'image est froide, nocturne, la bande son électrique, saccadée. L'intrigue n'est pas immense, mais on se passionne peu à peu pour des détails, des caractères, et on trouve des enjeux ailleurs. Roschdy Zem est impressionnant de droiture, et trouve ici un beau rôle de flic égaré, Sara Forestier est étonnante de discrétion, remarquable de justesse. On retiendra quelques seconds rôles (dont Jean-Christophe Bouvet, Jean-Pierre Martins et Richard Bohringer), mais l'essentiel est là, dans la sinuosité du parcours des deux flics de nuit. Philippe Lefebvre réalise un polar tendu, sans être nerveux, et sombre. Il y a une certaine classe qui se dégage de chaque image, un petit supplément de cinéma qui rend le plaisir d'autant plus grand. On sent que le cinéaste maitrise son film, que le cadre est rigoureux, le scénario formel et bien écrit, les acteurs au diapason. Si bien que lorsque le jour se lève, sans rien perdre de sa beauté, le film opère son dernier charme, le twist final. Inattendu, surprenant, et concluant l'histoire dans une sobriété qu'on attendait pas là. Du film, on retiendra donc tout cela, une ambiance et une réalisation solides, et une scène absurde mais magique, lorsque la vie reprend son petit cours, tôt le matin. Le camion-poubelle passe, un videur de bar lance un seau d'eau sur le dernier noctambule égaré, et un violoniste joue un air à ces deux flics qui terminent leur journée-nuit de boulot. Dans cette scène réside le talent du cinéaste pour la rupture de ton, pour la justesse de sensation. Une nuit, c'est long, et tant mieux pour le spectateur.

 

une-nuit-2.jpg

 

68%.

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