BURIED
Rodrigo Cortés
EN BREF:
Ben voilà, c'est vu. Et je l'oublierai assez rapidement, à mon grand étonnement, alors que je suis claustrophobe. A mon sens, Buried ne casse pas trois pattes à un canard, et même s'il offre effectivement quelques moments forts, un concept alléchant, une prestation d'acteur de qualité (Ryan Reynolds), il reste bien en deça de ce que le film promettait.
Le film commence avec un procédé censé être angoissant: un écran noir, pendant une minute au moins, avec des bruitages, et l'inconnu pour le spectateur. Et peu à peu la lumière (un briquet qui a du mal à être allumé) arrive, amenée par un gars qui suffoque (état que l'on aurait aimé atteindre), recroquevillé dans un endroit sombre et confiné, un cercueil en bois six pieds sous terre. Ce gars-là, il a été pris en otage par des terroristes en Irak, alors que lui et ses collègues camionneurs ont été pris en embuscade. Il lui reste, en tout et pour tout, les trois quarts de la batterie de son portable, un zippo, un crayon, un fond d'alcool. On se demande comment le réalisateur va-t-il pouvoir tenir pendant 1h30, et le scénario lui apporte quelques agréments, qui arrivent au cours du film: un invité surprise, une lampe à néon, une lampe torche défaillante et un couteau. Et on voit, une heure trente durant, un seul personnage (le cinéaste décide de ne filmer que le cercueil et son personnage, jamais la caméra n'ira s'égarer à l'extérieur, promesse tenue), qui lutte pour négocier, joindre ses proches et tenter de s'en sortir, avec de l'oxygène qui vient à lui manquer.
(...) le film de Rodrigo Cortés distille une angoisse tenace, accentuée par quelques effets de suspense opportuns. Mais l'exercice de style fun vire à l'épuisante démonstration de force, dès lors que la grosse machine hollywoodienne reprend ses droits (...).
Les inrockuptibles
J'ai vu le film dans le cadre du Festival d'automne organisé par Chris, je n'aurais jamais été voir le film dans d'autres conditions, j'ai horreur des films de ce genre, je ne m'y sens pas bien du tout (le dernier film confiné que j'ai vu, Lebanon, m'avait provoqué des nausées, j'ai été obligé de sortir au milieu de la séance, puis revenir après dans la salle). Je suis claustrophobe et je m'étais donc préparé au maximum (vous savez, avec la pensée positive: ce n'est qu'un film, c'est un personnage, tu peux sortir de la salle, t'es pas obligé d'aller jusqu'au bout), j'avais même pris des bonbons forts pour dégager la gorge, au cas ou j'aurais fait une crise d'asthme, et j'y allais comme pour un challenge. Et quelle déception! Je n'ai absolument pas ressenti d'angoisse relative au confinement. La seule angoisse que j'ai pu vraiment avoir dans le film, c'est lors de la scène avec un charmant invité, ma deuxième phobie, et là vraiment je peux plus mettre mes pieds au sol. Mais sinon, comme on dit souvent par chez moi, ça casse pas trois pattes à un canard. Je m'attendais à tellement (il faut voir les critiques: tension rare, exceptionnel d'intensité, électrochoc, climax sidérant, haletant, étouffant, éprouvant), que je n'ai pas ressenti grand chose. C'est un bon thriller, il y a effectivement du suspens, même si la fin est prévisible (quoiqu'à un moment, quand même...), mais ce n'est pas particulièrement angoissant, ni étouffant. En tout cas, pas pour moi. Et puis il y a des chutes de rythme conséquentes, j'ai détaché les yeux de l'écran plusieurs fois, je n'étais pas totalement dedans.
Pour tenir son audacieuse promesse, le film manque clairement de témérité: par peur du vide, le scénario s'empresse de cumuler les embûches pour attiser le feu de l'action.
Chronic'Art.com
Le problème vient sans doute du scénario: très bon au départ, créant un climat intéressant, un personnage assez fascinant parce qu'on se projette forcément dans cette situation, il devient peu à peu trop éparpillé, il veut absolument rendre compte de tout ce qui pourrait avoir un lien avec cette prise d'otage. Ainsi cherche-t-il à parler du pouvoir aux Etats-Unis, des licenciements abusifs, des problèmes personnels du personnage, allant du couple aux amis, des collègues aux relations extraconjuguales qui lui sautent à la gueule... En cherchant à parler de tout, on y perd un peu de force parce qu'on veut aller partout, mais on n'arrive finalement pas à se décider où. On aurait aimé que le scénariste (Chris Sparling) resserre un peu son objectif pour offrir un récit plus condensé et plus dense en termes de ressenti. Mais ne soyons pas trop négatifs, parce qu'on passe tout de même un assez bon moment, même si, au contraire de ce que dit Libération, l'air n'est pas irrespirable, si irrespirable qu'on aurait rarement été aussi content d'avaler une bonne bouffée d'air frais. Je le suis plus en sortant d'un ascenseur qu'en sortant de Buried. Un assez bon moment parce que le film offre son lot de scènes infiniment réussies (l'invité surprise, glaçante, la scène de fin, culottée et très réussie, la scène de boucherie, très bien filmée, les premières minutes, fascinantes), qu'il offre à un acteur la possibilité, outre son charme, d'exposer son talent (de mémoire, on avait jamais vu Ryan Reynolds si bon), qu'il tient tout de même la promesse de son concept, intéressant et étonnant, et qu'on ne s'ennuie pas trop, grâce à une mise en scène plutôt inventive, alors qu'on aurait pu se tourner les pouces beaucoup plus avec un concept de ce genre. Mais on reste déçus, parce que parfois le film vire au pur produit hollywoodien, notamment lors de scènes larmoyantes ou le comédien fait ses adieux à ses proches sur fond de musique bien lourde. Le film a le souffle trop court, en somme.
61% de réussite.