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8 mars 2012 4 08 /03 /mars /2012 21:24

BOVINES

Emmanuel Gras

 

3 étoiles

 

EN BREF:

Primaire, fascinant, burlesque, inattendu, surréaliste. Un très beau moment, qui travaille de manière étonnante l'imaginaire de la vache qui sommeille en chacun de nous.

 

bovines

 

Normandie, pas si loin que ça, dans un champ, des vaches d'élevage. Voilà l'objet du documentaire très court (une heure) que nous propose Emmanuel Gras. On est pourtant bien loin d'un documentaire animalier mainstream, puisqu'on n'apprend rien de très technique sur ces vaches que l'on regarde brouter pendant une heure, en revanche on devient coutumier de leur mode de vie, lorsqu'elles sont livrées à elles-mêmes, lorsque les hommes sont hors-champ. On rentre dans le film par strates. On découvre d'abord les étendues calvadosiennes, des vallées humides et un ciel qui varie à une rapidité incroyable. Puis on s'attarde sur la mécanique buccale d'une vache, on observe, comme on a jamais pu le faire au cinéma, des traits très marqués, des yeux profonds et de très beaux cils. Et la vie passe, arrive et s'en va. Derrière l'écran, les vaches meuglent, devant l'écran le public se mue peu à peu en troupeau, l'influence simple et cyclique de ces vaches se fait sentir. On se prend, pendant une très contemplative heure, pour les interprètes à visage humain de ces vaches. On traduit leurs émotions, on soutient leur regard. Et surtout, on se fascine pour des détails qui peuvent paraitre anodins, mais deviennent très rapidement réjouissants.

 

C'est un pari. Surprenant. Audacieux. Qui aurait pu penser qu'un jeune cinéaste inconnu parviendrait à passionner durant soixante-cinq minutes avec des vaches comme personnages ? Emmanuel Gras y parvient, pourtant, et sans effets pleurards.

Télérama


Bovines est une vraie surprise. A première vue, il n'est qu'un documentaire animalier de plus, observant le mode de vie d'une espèce sur un point de vue humain, donc faussé. Emmanuel Gras prend le contrepied de cette manière de filmer les animaux, en leur laissant le champ libre, en ne leur imposant aucune autre limite que celles de l'éleveur. Et nous fait voir ce qu'on croyait connaitre. Le mode de vie filmé ici est affolant: ces vaches-là, d'élevage de plein air, sont nées pour être dévorées par des hommes. Elles se reproduisent, grossissent et partent, sous l'oeil inquiet du reste du troupeau, dans le camion qui les emmène à l'abattoir. Le cas de la viande de veau donne au film un beau moment d'émotion, lorsque des mères voient leurs enfants partir, et suivent un moment le camion sur un chemin dénué d'espoir. Emmanuel Gras filme tout sur le même point de vue, sans nous donner aucune piste, et en nous fournissant pourtant une matière exceptionnelle, propre à faire naître les réflexions les plus censées comme les plus folles, et à repositionner notre rapport à l'environnement, aux animaux, et à ce cycle de vie qui n'a jamais paru aussi absurde que dans ce film. Bovines peut se voir sous tous les angles, et chacun en retiendra ce qu'il voudra.

 

Sans les caméras-microscopes de "Microcosmos" mais avec beaucoup de patience, le moindre détail de la vie au grand air prend un sens poétique et cosmique : l'oeil bovin forme une galaxie, la mise bas d'un veau y est tranquille et un sac en plastique flottant devient un mystérieux émissaire pour nos stoïques colocataires.

Les Inrocks


Là ou le cinéaste réussit son coup, c'est en impliquant le spectateur dans son film. En interprétant les "sentiments" et les "pensées" des vaches, on se plait à imaginer des histoires, à s'inventer des dialogues, qui passent souvent par des coups de langue (géniales scènes de la séduction et du pommier), ou une certaine gestuelle, qu'on finit par apprivoiser. Clairement, on est devant une oeuvre de sensations, totalement inédites d'ailleurs. Jamais l'intrusion d'un être humain sur l'écran n'avait autant gêné (on a envie de les bouter hors de l'écran, de leur meugler qu'on veut être tranquilles). Jamais une naissance n'avait paru si naturelle, comme allant de soi (on ne la voit pas du tout venir, découvrant à un moment qu'effectivement, un petit bout de veau est en train de s'échapper du corps d'une vache). Jamais la satisfaction d'un besoin primaire n'avait été filmée de manière si simple, si normale, presque primaire. Jamais un beuglement n'avait été aussi émouvant et n'avait autant résonné à nos oreilles. Et bien sur, jamais un documentaire animalier n'avait paru si criant de vérité!

 

bovines-2.jpg

 

77%.

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