Paranoid Classes - Simon Werner a disparu

SIMON WERNER A DISPARU

 Fabrice Gobert

EN BREF:

 Une belle surprise qui confirme la grande forme du cinéma français en cette rentrée, un film a l'ambiance particulièrement réussie, c'est étouffant, prenant, stressant. L'histoire est menée d'une main de maître dans un scénario sans failles, excepté sur la fin, décevante par rapport au reste.

Dans la banlieue parisienne, a priori dans les années 90, mais le film reste assez intemporel, bien que résolument moderne, Simon Werner a disparu... est la mise en scène d'une histoire étrange. Un mort retrouvé dans la forêt, trois élèves qui disparaissent, un prof sur lequel courent beaucoup de rumeurs louches, des policiers qui viennent au lycée, la rumeur d'un psychopathe, les soupçons qui se portent vers un entraîneur... Le film raconte comment, sans preuves et à la seule aide des potins, des rumeurs et du bouche-à-oreille, une histoire gigantesque se crée. La force évidente du premier film audacieux de Gobert, c'est de nous faire participer, quitte même à nous décevoir avec une fin qui descend trop vite en calibre.

D'une part, l'interprétation exceptionnelle de jeunes comédiens qui font sortir les personnages des clichés. D'autre part, l'attachement du cinéaste aux petits détails d'une époque, cet ancrage dans le quotidien, opposé à une mise en scène qui vise à l'abstraction, donne à ce premier film une saveur très particulière.

Première

Alors, pendant 1h30, on soupçonne, on suppose, comme dans tout bon thriller mais avec une interactivité exacerbée par la construction en quatre chapitres du récit: le film suit tour à tour quatre personnages dans la même histoire, leurs implications et leurs actions pendant que les autres racontent des tas de trucs sur eux. Le scénario est cohérent, et très bien écrit, amène quelques éléments en laissant un gros mystère dévoilé seulement à la fin. Mais ce qui est le plus réussi certainement dans le film, c'est l'ambiance. Grâce à la musique électrique et très différente selon les chapitres du film du groupe Sonic Youth (extrêmement suivi du public pendant les années 90, référence en matière de rock, punk, avec des sonorités souvent bien psychés), et grâce à une lumière très esthétisante qui sublime le réel sans pour autant effacer l'aspect réaliste du film, on est totalement pris dans une ambiance très particulière et extrêmement réussie, impressionnante même quand on sait qu'il s'agit du premier film du réalisateur.

Simon Werner a disparu... est, à sa façon, un polar, mais l'exaltation vient d'ailleurs. La vraie enquête, celle que mène Fabrice Gobert, porte, avant tout, sur l'adolescence, ses chimères et ses mirages. Ses mises en scène.

Télérama

C'est un premier film étonnant et original que nous offre Fabrice Gobert, qui prouve son audace: diriger un casting presque exclusivement jeune avec beaucoup de grâce, tous les jeunes comédiens sont brillants et se valent (à l'exception notable de l'excellent Serge Riaboukine); créer une histoire pas forcément accrocheuse, mais très intéressante à bien des points de vue; faire appel au groupe Sonic Youth (Olivier Assayas avait déjà fait appel à eux) pour interpréter la musique du film. Seulement une déception, la fin: les révélations arrivent trop vite, trop facilement presque, elles sont faites pour nous décevoir et jusque-là ça ne nous déçoit pas, ça nous désarçonne, et puis le film, débarrassé de son mystère, retombe dans une ambiance pesante de réel, beaucoup moins réussie. Mais d'audace, d'originalité et de fougue, Simon Werner a disparu... n'en manque absolument pas. Sa construction est parfaitement adaptée et on est tout de même très surpris par ce très bon premier film, qui, une semaine après Notre jour viendra, prouve que le jeune cinéma français ne manque pas d'audace.

71% de réussite.