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29 novembre 2010 1 29 /11 /novembre /2010 01:08

LE NOM DES GENS

Michel Leclerc

 

Quatre étoiles

 

EN BREF:

Drôle, frais, piquant, audacieux, intelligent, engagé, inventif, superbement écrit, fin... On ne dira jamais assez de bien du Nom des gens, bouffée d'air frais du mois de novembre, à ne manquer sous aucun prétexte!

 

Le-nom-des-gens.jpg

 

Ouf! Les cinéastes français peuvent être (très) drôles! Plus je vois de films, moins souvent j'aime de comédies françaises. Avant le mois de novembre, la dernière comédie qui m'avait vraiment enthousiasmé était Tamara Drewe, de Stephen Frears. La dernière française était Mammuth, en avril. Et cette année, les français ne m'auront vraiment fait rire qu'avec L'arnacoeur, Tout ce qui brille, Les invités de mon père, sur une trentaine de comédies françaises vues... Et puis est arrivé François Ozon, qui nous a offert un sacré film, Potiche. Et cette semaine, un cinéaste qu'on avait découvert avec J'invente rien, en 2006, charmante comédie avec Kad et Elsa Zylberstein. Voilà aujourd'hui qu'il nous offre un trésor: Le nom des gens. Coécrit avec sa femme, Baya Kasmi, le film est une chronique acerbe et très finement écrit (il est rare que l'écriture d'une comédie soit si fine) de l'importance qu'à sur notre vie notre nom. Deux personnes, opposées par beaucoup de choses: leur nom (il s'appelle Arthur Martin, elle s'appelle Baya Benmahmoud), leur conception de la vie (elle aide son prochain, il est assez immobile), leur conception de la politique (un clivage ferme pour elle entre droite fascisme et gauche humanisme, des barrières moins fermes pour lui, entre les gentils gaullistes résistants, les méchants pétainistes collabos, les gentils jospinistes, les gauchos-fachos), leur rapport au corps (elle se fiche d'être à poil, il est très mal à l'aise devant la nudité), leur rapport aux parents (elle a une famille généreuse, ouverte, révoltée, il a une famille très refermée, très banale, très pointilleuse sur les tabous familiaux). La seule chose qui les lie: ils sont de gauche tous les deux, et ont une histoire qui les rapproche (elle a un père immigré qui a fait la guerre d'Algérie et a été sexuellement violentée par son prof de piano, il a des grands-parents juifs et morts à Auschwitz).

 

Si "Le nom des gens" est une grande réussite, c'est avant tout parce qu'il confronte le comique pur à la dureté du monde actuel. Le contraste est saisissant.

Brazil


Et la rencontre explosive de ces deux êtres, qui nous ressemblent tellement par certains aspects, nous est montrée ici, avec une énergie et un plaisir inouï. Cette légère comédie (au nom pas racoleur), devient très vite une oeuvre presque militante pour le droit à la différence, pour l'intégration, pour la liberté, pour le militantisme. Une comédie qui parfois nous touche profondément, par subtiles touches, une caresse, un acte généreux, des symboles, des valeurs. On en sort euphoriques, parce que le tout est profondément joyeux, et à la fois touchés, par une force, par le vécu de ces personnages, dans lesquels on se reconnaît par petits bouts. Et c'est magique. Le film commence avec l'histoire des noms des personnages, et filme la rencontre des parents: l'excellent Jacques Boudet (que Jacques Gamblin n'arrive pas à imaginer jeune) se retrouve ainsi sur les bancs de l'université à draguer celle qui deviendra sa femme; le très bon Zinedine Soualem se retrouve arrivant d'Algérie) à faire la manche sur les trottoirs parisiens, pour ensuite signer la pétition de sa future femme, la délicieuse Carole Franck. Ces histoires sont racontées avec vivacité, assez rapidement mais assez précisément pour rendre justice à un passé plein d'Histoire. Les parents choisissent les prénoms des enfants, ils ont d'ailleurs tous des noms très caractéristiques. Les parents d'Arthur effacent le passé en lui donnant ce prénom, jamais il ne sera pris pour un juif. Les parents de Baya (doit-on rappeler, la lumineuse Sara Forestier) aussi, en un sens, personne ne la traitera jamais de « sale arabe ». Arthur et Baya sont typés français blancs, et c'est une « bonne planque ». Seulement Baya, elle, milite, et Arthur demeure impassible. Elle va le changer profondément, et ça passe forcément par toutes les sensations, qui du coup sont transmises avec brio au public, qui suit parfaitement les personnages.

 

Avec autant de légèreté que de pertinence, pour prêter à réfléchir après avoir bien donné à rire.

Ouest France

 

Des situations, il en est beaucoup d'excellentes dans le film de Michel Leclerc, des situations qui nous prouvent qu'avec un peu d'inventivité, on pourra encore et toujours renouveler le genre de la comédie. Il arrive à glisser des références bien de notre temps (les deux dernières élections présidentielles, 2002 et 2007, la venue de Jospin, les préoccupations nationales...), et à faire passer des jeux de mots extrêmement lourds et graves (comme le lapsus Cohen-Couenne, assez déchirant). Et arrive à nous toucher profondément lors des moments plus drôles mais très « vrais »: tout ce qui touche au devoir de mémoire, au rapport au passé, à ces choses qu'on aimerait oublier mais qui nous ont construit. Et toutes ces choses passent dans l'écriture très fine par le prénom des gens. Délestés du poids du nom de famille (excepté lorsque l'on doit refaire sa carte d'identité), on vit avec notre prénom, qui porte bien souvent nos origines et un bout de notre histoire. C'est en ce sens que le film est excellent: la question posée par le cinéaste à la fin est gravement actuelle et met en lumière une interrogation concrète. Avec ce prénom, de qui notre enfant sera l'étranger?

 

Le-nom-des-gens-3.jpg

 

80% de réussite.

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commentaires

V
<br /> D'accord avec toi, dans l'industrie ultra-balisée de la comédie française, l'intelligence du Nom des gens fait beaucoup de bien.<br /> <br /> <br />
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