MELANCHOLIA
Lars Von Trier
EN BREF:
Ni Kirsten Dunst (prix d'interprétation à Cannes), ni le film ne m'ont surpris. Von Trier réalise la fin d'un monde déprimé, dans une imagerie assez grotesque, une direction d'acteurs assez confuse, et finalement pour le spectateur, un désintérêt confondant.
La polémique qui a eu lieu à Cannes n'a rien changé à Melancholia, celui-ci n'a pas évolué, on a donc pu regarder le film avec un esprit critique intègre. Et bien qu'on puisse comprendre les programmateurs qui ont refusé de programmer Von Trier, on arrive à dissocier l'homme de l'oeuvre, il n'aurait d'ailleurs pas eu beaucoup d'entrées autrement. On s'attendait même à apprécier le spectacle, vendu par certains critiques comme un pendant insolent du Tree of life de Malick. On est surpris dès les premiers instants avec cette imagerie assez grotesque d'un monde qui se détruit, de longues minutes à regarder au ralenti trois personnages et un cheval essayer de marcher dans un sol trempé par un déluge final. Ca ne nous fait pas du tout penser à la Palme d'Or. Arrive ensuite une grande réception de mariage, le décor se met vite en place, et le spectateur n'est jamais convié à partager les émotions des personnages, le cinéaste filme la réception du mariage de manière très froide. La psychologie des deux personnages féminins est très simple: l'une (Justine, Kirsten Dunst) est dépressive, et donc forcément détachée de cette fin du monde qui va advenir, qu'elle ressent finalement comme une libération; l'autre (Claire, Charlotte Gainsbourg) est stressée, a peur du futur, du présent, et du passé. Et bien sur, les relations entre les deux soeurs sont extrêmement conflictuelles. Le film repose très largement sur cette opposition de caractère, et devient, à l'image de l'opposition, pesant.
Esthétiquement, "Melancholia" est, comme bien des films de l'auteur, apprêté et snob, encombré de ralentis exaspérants, de plans kitchissimes. (...) et marque un retour à un dandysme pompier, factice et vain.
Télérama (contre)
Pesant parce que l'image est grisâtre et complètement déprimante, Von Trier explore non sans talent les multiples teintes de gris, mais l'effet sur le spectateur n'est pas très efficace. L'ennui est de mise devant les très longues scènes de repas, d'angoisse (pour les personnages, car le spectateur est plutôt impassible). Von Trier, qui aurait réalisé ici son film le plus « grand public », nous propose finalement une vision de la fin du monde très classique, en état de léthargie, bref en aucun cas novateur, parce que tel qu'on la percevrait actuellement. Sa plus grande originalité réside dans l'utilisation d'un élément qui s'avère le plus terre-à-terre, le plus simple: ce fameux appareil bricolé pour regarder la planète Melancholia s'approcher avant la collision avec la Terre. Et cet appareil, preuve tangible de leur état raisonné, permet à certains moments du film de retrouver une vérité, une lucidité, une simplicité, et une poésie, quelque part. On regrette donc forcément ces à-côtés, dont une lourdeur continuelle imposée par la musique (entre autres Wagner, qui représente le romantisme allemand dont Von Trier s'inspire, et qui accessoirement a créé une oeuvre simplement immonde à mes oreilles), et un esthétisme bien trop tape-à-l'oeil pour sonner juste. Quant aux actrices, si Charlotte Gainsbourg ravit une fois de plus en proposant une panique toute de fragilité vêtue, Kirsten Dunst ne m'a pas convaincue, on voit beaucoup l'actrice et pas le personnage, elle qui a mis beaucoup de sa propre personnalité dans le rôle, qui manque de subtilité, et qui passe trop vite, à mon sens, du tout au tout. Melancholia est d'autant plus décevant qu'il était paré d'une grandiose fin, ou le titre prenait tout son sens: une construction éphémère et amenée avec justesse, qui confère à la mélancolie, cette sorte de tristesse rêveuse, engloutie dans un choc plus intense, plus fort, plus grand, que Von Trier a su rendre puissant.
48% de réussite.