UNE VIE MEILLEURE
Cédric Kahn
EN BREF:
Trouver crédible Leïla Bekhti dans son rôle ici n'est pas donné à tout le monde. Pas à moi, malheureusement. Cédric Kahn réalise en tout cas un film sec, cassant, et plutôt froid.
Cédric Kahn, c'est un nom qui commence à faire son chemin dans nos esprits. Il est le réalisateur d'un des films de ma préadolescence, L'Avion. Je l'ai revu il n'y a pas si longtemps, beaucoup moins aimé qu'avant, mais j'y trouve quelques qualités, dont une commune avec ce nouveau film: le talent du cinéaste pour diriger un enfant. Roméo Botzaris était fabuleux dans L'avion, Slimane Khettabi est saisissant ici. C'est d'ailleurs le point le plus fort d'Une vie meilleure. Yann (Canet) et Nadia (Bekhti) sont deux jeunes adultes amoureux. Ils se lancent dans un projet beaucoup trop imposant pour leurs moyens, un restaurant, au bord d'un lac. Très rapidement, ils croulent sous les dettes. Nadia part au Canada, ayant trouvé un poste bien rémunéré dans un restaurant. Yann reste en France, à gérer sa perte, et doit s'occuper du fils de Nadia, le temps qu'elle trouve un appartement là-bas. S'ensuit une chute considérable, une dégradation sur laquelle Yann semble ne plus avoir aucune mainmise. Cédric Kahn raconte le quotidien et les angoisses d'un bon nombre de jeunes adultes qui peinent à entrer dans une vie autonome et responsable. Il refroidit l'utopie que peuvent avoir certains couples, qui rêvent encore à des projets fous et personnels. Il observe aussi les effets de cette chape de plomb sur la génération qui suivra, à travers le fils de Nadia, Slimane. Et montre une réalité glaçante, sans issue.
"Une vie meilleure" souffre de petites maladresses d'écriture dont l'accumulation devient gênante, de quelques longueurs dommageables, mais ces défauts n'entament pas la substance de ce film poignant et généreux.
La Croix
Son film est d'une sécheresse quasiment plombante. Un infime espoir resurgit vers la fin, mais jamais doublé d'une concrétisation. Des mots d'apaisement, mais pas de solution tangible. On ne peut pas dire que Une vie meilleure soit foncièrement un mauvais film. Parce qu'il y a un talent pour filmer des peurs, parce qu'il y a une vigueur pour filmer le malheur, et parce qu'il y a une spontanéité, une liberté de ton. Kahn impose d'emblée un style, une personnalité, qu'on l'aime ou non. Il traite du surendettement (moins fortement et avec le désenchantement que n'avait pas Toutes nos envies), et le fait de manière âpre, avec violence. Pas d'affect ici, pas le temps dans cette chute libre de s'attacher à des personnages qui tombent. Pas de musique non plus (sauf à la toute fin, un salutaire chant nommé "big bird in a small cage", un échappatoire), tout semble fait pour accentuer un calvaire. Calvaire qu'on finit, par suite d'un empilement de situations, par ne plus tellement comprendre. Le scénario dont s'empare Cédric Kahn est au départ plutôt bien écrit, très crédible, il se resserre peu à peu, puis part dans des situations abracadabrantesques, dès la fuite de Yann et de Slimane vers cette "vie meilleure". Si bien qu'on a du mal à y croire, malgré la beauté d'une fin en suspens. On comptait sur les acteurs pour satisfaire nos envies de bon film, seulement il faut avoir une sacrée force de projection dans un personnage pour trouver Leïla Bekhti crédible. Au départ, aucun soucis, mais dès qu'on la voit au Canada, c'en est fini de sa crédibilité, de même qu'on a du mal à l'imaginer mère d'un gosse déjà grand. Guillaume Canet, de son côté, est plutôt étonnant, on a pas eu l'habitude de le voir si bon acteur. En seconds rôles, on ne retiendra que Brigitte Sy, parfaitement détestable en femme qui gueule contre tout et tous. Reste alors un film désenchanté, plutôt déprimant, qui a du mal à se permettre l'espoir, mais dont l'intention est spontanée. On comprend bien la colère d'un cinéaste, on a plus de mal à voir l'utilité d'un tel film. Y'en a-t-il besoin au cinéma?
58%.