Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 23:51

JANVIER 2012

 

EN BREF:

6 films de janvier qui n'ont pas eu le droit, faute de temps, à une critique... Je me rattrappe donc ici sur quatre d'entre-eux, avant de revenir sur The descendants et Café de Flore plus longuement, pour le Festival d'Hiver.

 

tahrir.jpg

 

Tahrir, place de la Libération - Stefano Savona.

25 janvier 2012, sortie du film, un an après le début de la révolution égyptienne, quelques jours seulement avant les évènements de Port-Saïd, 74 morts et la crainte que le pays sombre dans le chaos, un an après la chute du Raïs. Forcément, le documentaire est poignant, et entre en résonance dramatique avec l'actualité. L'expérience du film en tout cas est intéressante, une heure trente d'immersion totale parmi ces révoltés, du 25 janvier 2011 à la chute du Raïs, le 11 février 2011. 15 jours de discussions, de colères, de heurts, une armée qui rejoint le peuple, et une euphorie vite dissipée par une question qui semble planer sur les derniers plans du documentaire: "qu'est-ce qu'on fait maintenant?". Aucune voix off, aucune musique, pas de fioritures. L'image de jour est terne, celle de nuit est lumineuse. Il y a quelque chose de chaleureux dans tout cela. Ca scande de partout, la fougue de la lutte est entraînante et suffisante à émouvoir le spectateur, seulement on aurait aimé plus de liant, un peu plus que ce (déjà très intelligent) enchaînement de séquences. Reste tout de même un implacable description d'une agitation, avec ce qu'elle contient de remous et de puissance.

 

les-papas-du-dimanche.jpg

 

Les papas du dimanche - Louis Becker.

L'histoire est contenue dans le titre, et au moins il ne vend rien de plus, et rien de moins. On voit donc un nouveau divorcé s'habituer à sa garde, un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Ca n'a rien de bien passionnant, et rien de bien vilain à la fois. C'est un premier film, d'un fils de et petit-fils de, sous forme d'une chronique sans conséquence. Une image terne, un style pas affirmé du tout, beaucoup de longueurs, compensées par des acteurs convaincants (Thierry Neuvic, Olivier Baroux, Maryline Canto, Hélène Fillières, les enfants), de très jolis moments, et une maladresse constante finalement touchante. C'est tout petit, mais on ne s'ennuie pas, un petit instant comme ça, qui glisse et s'en va. Et comme dirait Télérama, un film ou on trouve Maryline Canto au générique mérite l'indulgence, comme un film ou, à la fin, résonne aux oreilles la superbe reprise du Vent nous Portera de Noir Désir par Sophie Hunger.

 

les-chants-de-mandrin.jpg

 

Les chants de Mandrin - Rabah Ameur-Zaïmeche.

Dommage. Le cinéaste se propose de portraitiser les contrebandiers d'avant-Révolution française, en en faisant des héros de la liberté et de la fraternité, vagabonds généreux, sans peurs et sans reproches, qui amènent aux quatre vents, outre des livres, pierres précieuses et autres richesses de contrebande, un ouvrage qu'ils ont fait imprimer, "Les chants de Mandrin". Le réalisateur s'intéresse ainsi à une figure hors-la-loi, Mandrin, qu'il élève au rang de légende et de guide. Mais si le parallèle contrebandiers-indignés est effectivement intéressant, comme auront pu le noter quelques critiques, le fond est totalement décrédibilisé par une forme totalement chancelante. Les acteurs paraissent pour beaucoup très amateurs, les dialogues hésitent entre un fumeux vocabulaire XVIIIeme et des phrases qui dénotent sans scrupules avec l'époque, les longueurs sont interminables, comme le film, et les incohérences techniques très nombreuses. Si bien que le film, malgré un intérêt qu'il aurait pu présenter, reste tout de même un supplice. Bien sur il est important qu'il existe, que des films comme celui-ci puissent encore être produits, surtout qu'on aperçoit sans peine ce qu'il aurait pu donner, avec un peu plus de moyens. Des personnages qui trinquent comme cela: "Pour Mandrin. Pour la joie. Pour la beauté de nos rêves", on en veut aujourd'hui, mais entourés d'une beauté cinématographique, d'une écriture solide et d'une réalisation plus nerveuse...

A lire sur le film, la très amusante critique de Chris.

 

trust.jpg

 

Trust - David Schwimmer.

David Schwimmer s'échine à faire de son film une oeuvre catastrophe sur les dérives de l'Internet. Sauf qu'il n'a ni la force d'écriture d'une excellente série, ni un point de vue qui rend son film original et différent de ce que l'on voit malheureusement trop souvent. Du coup, on se retrouve devant une oeuvre vide d'intérêt, déjà vue, qui alimente une psychose qu'il est inutile d'entretenir, et favorise une paranoïa sur un sujet qui mériterait plus de subtilité. La musique, ce qui était prévisible, dramatise sans cesse le sujet, la mise en scène n'a rien de beau, il n'y a qu'à voir ces effets assez hideux quand deux personnes chattent sur Internet (et évidemment, bleu pour le garçon, rose pour la fille). Bref, une atmosphère malsaine, qui me semble raccoleuse et bien à l'opposé du ton qu'on devrait tenir sur ces sujets délicats. Restent des acteurs plutôt plaisants (Clive Owen et Catherine Keener ne démeritent pas, en revanche Liana Liberato, l'actrice principale, n'est pas crédible), et une partie réussie (celle avec la psychologue, campée par l'excellente Viola Davis). Un film qu'on oubliera bien rapidement.

Partager cet article
Repost0
23 janvier 2012 1 23 /01 /janvier /2012 22:49

LE PRINTEMPS DE TEHERAN

L'HISTOIRE D'UNE REVOLUTION 2.0

Ali Samadi Ahadi

 

2 étoiles

 

EN BREF:

Un document salutaire mais inégal, qui arrive à prendre un recul sur les évènements qui secouent l'Iran depuis juin 2009, et fait vibrer des témoignages poignants. Seulement la force de frappe du documentaire reste très limitée.

 

le-printemps-de-Teheran.jpg

 

Mir Hossein-Mousavi, candidat aux élections présidentielles iraniennes, entraîne dans son sillon une véritable dynamique électorale. La couleur de l'islam, le vert, flotte comme une revendication, et comme l'affirmation d'une liberté quasiment retrouvée, dans toutes les rues de la capitale, Téhéran. Le 12 juin 2009, c'est un peuple à l'espoir ravivé qui se déplace en masse aux urnes. Le 12 Juin 2009, Mahmoud Ahmadinejad est réélu président de la République Islamique d'Iran. A partir du 13 juin 2009, c'est le chaos. Les candidats de l'opposition sont placés sous surveillance judiciaire, les manifestants, de plus en plus nombreux, réprimés avec une violence sourde et cruelle, la police et la milice paramilitaire tirent parfois à balles réelles sur une population révoltée. Les journalistes étrangers sont boutés hors du pays, les images clandestines se diffusent sur Internet, et les seuls témoignages disponibles proviennent de blogs. 20 juin 2009, Neda Agha-Soltan, dont la figure deviendra emblématique d'une révolte, est abbatue. Ce crime filmé par un portable fera le tour du monde. Les seules images de ces révoltes ont étés filmées par des amateurs, sur des téléphones portables le plus souvent, de très mauvaise qualité. Ali Samadi Ahadi se propose d'en faire un montage, et, en séquences d'animation, de recouper certains témoignages. On obtient ainsi un documentaire qui mélange trois façons de voir: des témoignages animés, une illustration de la cruauté; des interventions d'acteurs de la révolution, qui ont fui l'Iran; des vidéos amateurs.

 

Ce "Printemps de Téhéran" donne à entendre un choeur plein d'harmonie et de tristesse. L'expérience est belle, et à de quoi laisser songeur.

Le Monde


Le documentariste n'a donc ici qu'une seule ressource: le web. Et comme la ressource est dense mais techniquement maigre, la créativité est imposée. Ainsi l'idée des séquences d'animation est une belle idée. Parce qu'elle permet un recul sur les évènements, une réflexion poussée et imagée, et une certaine poésie, qu'on n'aurait pas eu si l'image avait toujours été chaotique. Sur la forme, le documentaire pêche par excès, trop de musique, une juxtaposition parfois maladroite des différents styles adoptés. On aurait presque préféré un Valse avec Bachir iranien, avec une animation plus approfondie, plus détaillée. On est ici beaucoup dans le schéma et le symbolique, et l'alternance réel/animé est trop forte pour concorder. Il y a un trop grand écart entre l'envie de retranscrire exactement des évènements (ce que le web a déjà fait, avec une force de frappe nettement supérieure), avec des morceaux de discours officiels, des scènes de rue sanglantes et violentes, des rassemblements impressionnants, et l'envie de penser cette révolution, de mettre des mots sur la douleur, sur la violence, sur l'espoir aussi. On aurait trouvé plus judicieux, puisque les images réelles ont été vues et revues, de ne se baser que sur les témoignages, et d'en tirer une histoire, seulement ébauchée ici dans les séquences d'animation.

 

Voir compilés ces libres témoignages rescapés de la censure d'Ahmadinejad est le principal intérêt de ce sous-"Valse avec Bachir"

TéléCinéObs


 Reste tout de même un documentaire qui émeut, qui frappe de son actualité, et qui parle de manière très simple d'une ambiance dans une société. De l'espoir qu'ont les Iraniens, en Iran et hors frontières, de retrouver dans la rue une joie de vivre, des sourires sur le visage des passants, et une fierté d'appartenir à une patrie. On retiendra aussi quelques séquences animées, dont celle des larmes de l'Iran, cristallisées sur un visage d'homme, qui se dit qu'il a le droit de pleurer, quand bien même un homme ne pleure pas. Et celle d'une sorte de complainte, assez déchirante, qui parle du combat d'une femme pour son pays, combat qu'elle n'arrêtera jamais. Les témoignages sont d'une cinglante beauté, et rendent un hommage fort à ceux qui les ont écrits, à la hauteur de leur engagement. Janvier 2012. Mahmoud Ahmadinejad est toujours président de ce qu'on a du mal à appeler encore la République Islamique d'Iran. L'Occident continue de faire les yeux doux à ce pays producteur de pétrole, et les sanctions internationales se font moindre. Comme le dit très justement le documentaire, "les négociateurs devraient penser au visage de Neda Agha-Soltan avant de conclure un contrat". Le documentaire, s'il reste inégal dans sa forme, et s'il aura du mal à trouver une diffusion large, reste tout de même vecteur d'un propos d'une importance cruciale, au moment ou le peuple syrien subit la répression du régime d'Al Assad, et ou les artistes iraniens engagés doivent toujours créer clandestinement.

 

le-printemps-de-Teheran-2.jpg

 

60%.

Partager cet article
Repost0
22 janvier 2012 7 22 /01 /janvier /2012 21:59

MILLENIUM

LES HOMMES QUI N'AIMAIENT PAS LES FEMMES

David Fincher

 

Quatre étoiles

 

EN BREF:

Un thriller superbement réalisé, techniquement parfait, à l'ambiance électrique et à l'interprétation nuancée. Deux heures et demie de haute voltige, agrippé au siège.

 

millenium-3.jpg

 

Il y a au commencement un générique. Qui fascine totalement. Des images qui suintent à l'écran, et les yeux obnubilés des spectateurs. Les oreilles aussi, avec cette sansationnelle reprise de Immigrant Song, de Led Zeppelin. A partir de là, Fincher nous a attrapé, et nous gardera accroché jusqu'au plan final de son film, 2h30 plus tard. Millenium a déjà été adapté par deux cinéastes suédois (Niels Arden Oplev avait réalisé le premier opus, Daniel Alfredson les deux autres), et on ne s'étonne pas de l'envie d'un cinéaste américain de reprendre l'histoire absolument terrifiante écrite par le désormais mondialement célèbre Stieg Larsson. Et on ne crache pas sur cette nouvelle adaptation, d'autant qu'elle signée de l'un des meilleurs cinéaste de sa génération, surement le plus technicien d'entre-eux. Vision de rapports humains dans les pays nordiques, dissection des abus d'un grand industriel. Sous son aspect très romancé, avec cette enquête à deux qui débouche sur une liaison complexe et ambigüe, Millenium est un thriller réaliste et, du coup, glaçant. Sur une île reliée par un pont à une bourgade, une famille vit, recluse, gardant bien au chaud ses secrets, ses conflits d'intérêts. Michael Blomqvist, journaliste pour la revue Millenium, est engagé par un des plus puissants industriels suédois, Henrik Vanger (parfait Christopher Plummer) pour enquêter sur la disparition de Harriett Vanger, survenue des années auparavent, mais irrésolue par la police. Lisbeth Salander, pupille de la nation rebelle et solitaire, mais excellente enquêtrice, le rejoindra dans son enquête. Se fait rapidement jour un réseau de femmes tuées, et l'éventualité d'un serial killer. On connait par coeur l'histoire, d'ailleurs la précédente adaptation était plutôt bonne, même si elle ne nous a pas laissé un souvenir impérissable.

 

Comme tout bon thriller, Millénium est captivant et troublant. Mais il suscite quelque chose en plus, de spécifique à Fincher. A peine vu, il donne aussitôt envie de le revoir. (...) Signe qu'on est bien ­accro.

Télérama


Sauf qu'il y a ici le talent de David Fincher, qui fait que même si on connait l'histoire, on ne s'ennuie pas, et l'effet de suspense est le même... Le cinéaste sait particulièrement filmer des endroits retirés, et il a ici de quoi faire. Il capte des atmosphères étouffantes, dans des endroits vastes et lumineux (on pensera sans peine à cette maison vitrée, dont la moindre ouverture provoque un courant d'air), ou au contraire dans des endroits confinés et sombres (on évoquera cette cabane dans laquelle résident, le temps de l'enquête, les deux héros). De même les plans extérieurs sont d'une beauté froide indescriptible, et deux plans en particulier sont vertigineux (la course-poursuite quasi-finale sur une route filmée à travers les arbres, et la fuite de Blomqvist suite à une balle tirée sur lui, hallucinante). Il règne un froid glacial sur ce film, totalement électrisé par une bande originale qui donne un champ de profondeur supplémentaire à l'histoire. Aux commandes, on trouve Atticus Ross et Trent Reznor, qui collaborent pour la deuxième fois avec David Fincher, après The Social network. C'est en grande partie grâce à eux que l'expérience Millénium américaine est si impressionnante, parce que sans cesse la musique tire inexorablement vers le haut, dans un étouffant et sublime crescendo, chaque plan de ce film.

 

[Fincher] en tire un thriller méticuleusement noir. Une oeuvre aussi viscérale qu'électrisante, où l'audace formelle n'a d'égale que la maîtrise virtuose de la mise en scène. (...) Terrifiant et inoubliable!

Le Figaro


Dans ce tourbillon de sensations, un mélange subtil et virtuose entre film d'action saccadé, enquête policière brutale et acharnée et chronique sociétale, on trouve deux acteurs, qui se mettent au service d'une vision de Millénium. Daniel Craig, en enquêteur cerné de fatigue, n'a jamais été mieux filmé qu'ici, dans un personnage tourmenté et brillant, faible et combattif. Il s'efface rapidement derrière son personnage, comme il se fait voler la vedette par la révélation du film, l'incroyable boule de talent et de rugosité qu'est Rooney Mara, qui joue Lisbeth Salander. En écorchée vive, elle ne fait pas qu'irriter, elle bouleverse, tant sa sincérité est profonde, et sa fragilité intense. On est souvent troublé par ces regards fuyants, cette insoumission au lien social qui intrigue tant. On ne voit qu'elle, elle est parfaite, et fait totalement oublier la Lisbeth Salander de l'adaptation suédoise, Noomi Rapace. Fincher continue, avec cette adaptation virtuose, de s'intéresser aux mythes en train de se construire. Ces mythes modernes qui fondent et reflètent notre époque actuelle. Après le Zodiac, ce tueur en série qui menaçait l'Amérique, après le réseau social Facebook, c'est la trilogie culte de Stieg Larsson, qui dépeint une société suédoise telle qu'on la redoute, et établit des relations hommes-femmes de plus en plus ambigües, qui fait le jeu du cinéaste. Qui parvient ainsi à jouer sur des angoisses d'aujourd'hui, à les démonter entièrement, et à les rendre très contemporaines. C'est sa force, c'est ce qui fait de Millenium, comme de ses précédentes oeuvres, un grand film.

 

millenium-2.jpg

 

80%.

Partager cet article
Repost0
22 janvier 2012 7 22 /01 /janvier /2012 00:00

L'AMOUR DURE TROIS ANS

Frédéric Beigbeder

 

1 étoile bis

 

EN BREF:

Un film prétentieux et nombriliste, duquel on peine à sauver une once de sincérité. Si bien qu'à part Gaspard Proust, tout parait bien fade. Et crée ainsi une grande déception.

 

l-amour-dure-trois-ans.jpg

 

On va voir L'amour dure trois ans avec un grand sourire aux lèvres. Parce que s'annonce une comédie pêchue, qui nous réconciliera, pour la énième fois, avec la comédie française, qui a du mal à nous dérider ces derniers temps. Beigbeder derrière, un tandem qui vend du rêve face caméra (la superbe Louise Bourgoin et le parfait Gaspard Proust), et un catalogue croustillant de seconds rôles (Lemercier, Lambert, Joey Starr, Nicolas Bedos, Elisa Sednaoui, Annie Duperey...). On se plait à se rappeler ce que dit en général Frédéric Beigbeder dans ses sorties publiques: il est anticonformiste, excessif dans ce qu'il fait et ce qu'il dit. L'histoire qu'il choisit de raconter est celle de Marc Marronnier, critique mondain et chroniqueur sur les soirées. Il publie un bouquin, sous un pseudo, L'amour dure trois ans, après avoir divorcé, et le livre devient best-seller, si bien qu'il remporte le prix de Flore (saluons au passage l'auto-satisfaction du réalisateur, qui a fondé le prix de Flore, et qui écrit sur un écran dans le film, que le prix Goncourt de Littérature 2012 est attribué à... Frédéric Beigbeder, et il fait dire à une personnage que le Goncourt est un très bon coup). Mais la rencontre de Marc avec Alice va chambouler ses idées reçues, si bien que ses certitudes seront remises à plat.

 

On regarde cette comédie de moeurs un peu comme on feuillette un magazine people. On y pioche une métaphore parlante - celle de la caresse avec gants Mapa. (...) Difficile de faire plus beauf branché.

Télérama


Beigdeber choisit de commencer son film d'une manière assez classique, mais on ne s'inquiète pas encore. Le générique est le roman-vidéo d'un jeune couple amoureux, qui se marie, puis divorce au bout de trois ans d'amour, lorsqu'un toucher de main provoque la sensation du frottement d'un gant mappa. Puis on rentre vraiment dans l'histoire. Et on navigue de déception en déception. On sent qu'on est dans un tout petit monde en regardant ce film, un monde qui se regarde sans cesse le nombril. On est à Canal +, esprit Grand Journal, donc très people, calibré pour un public avide de consommation simple et rapide, de fast-movie. Frédéric Beigbeder est persuadé d'être original en assénant ses vérités sur l'amour, il est sur de tenir un propos qui dénote du discours ambiant sur l'amour. Or non, il filme une histoire d'amour de la manière la plus conventionnelle possible. Et on s'agace de voir à quel point il le fait sans aucun scrupule. Il filme ce qu'on connait de lui: son côté mondain assumé, ses beuveries incessantes, son goût pour les belles femmes, son côté "beauf littéraire", critique insolent mais finalement assez rond. Bien sur qu'il y a de l'humour, d'irrésistibles saillies, ou des non-sens jouissifs, mais ils sont trop rares, et ne cachent en rien cette irritante autosuffisance.

 

Ce film de potache, chic et toc , sur l'existentialisme post-moderne, avec beaucoup de vide à l'intérieur, [est] à ranger dans la catégorie essuie-glace (aussitôt vu, aussitôt oublié).

La Croix


Heureusement que Louise Bourgoin et Gaspard Proust sont délicieux à regarder. Même si Louise Bourgoin a une fâcheuse tendance à se répéter inlassablement, elle reste une boule d'énergie qu'on prend plaisir à regarder. Gaspard Proust, pour son premier grand rôle, ressemble, cynisme en plus, à un Beigbeder plus affûté. La déception vient aussi, en revanche, d'une direction en roue libre des seconds rôles. Valérie Lemercier n'est pas très drôle, JoeyStarr est plutôt mauvais (reste plus qu'il nous fasse le prêtre, et il aura enfin renié toute sa carrière musicale), Jonathan Lambert et Nicolas Bedos sont tous deux consternants, quant à Frédérique Bel, on ne sait même plus pourquoi on s'acharne à dire d'elle qu'elle est une des pires actrices françaises... Beigbeder a fait un film de potes, il a du s'éclater à faire tourner certains de ses complices le temps d'une scène (Ariane Massenet, Ali Baddou, le critique Alain Riou, et même lui-même pour trouver le pseudo), mais accentue une impression de nombrilisme total et malaisant. Rien ne marque, l'histoire se termine de manière consensuelle et banale, on aurait aimé être surpris, on est très loin de l'être. Jouant avec efficacité de son talent de publicitaire, Beigbeder réalise un film rythmé, qui fait néanmoins partie de ces films qu'on oublie dès qu'on les a vus, parce que l'état dans lequel on se trouve quand on sort de la séance est le même que celui dans lequel on est rentré dans la salle. On n'a pas la satisfaction d'avoir ri à gorge déployée, pourtant on aurait adoré.

 

l-amour-dure-trois-ans2.jpg

 

46%.

Partager cet article
Repost0
21 janvier 2012 6 21 /01 /janvier /2012 17:51

10 JOURS EN OR

Nicolas Brossette

 

2 étoiles

 

EN BREF:

Il n'y a rien de bien vilain dans ce petit drame qui se donne gentiment bonne conscience. Franck Dubosc, pour la première fois, est quasiment touchant, et l'histoire sans conséquence se suit sans déplaisir.

 

10-jours-en-or.jpg

 

On s'étonne de voir Franck Dubosc associé à ce projet-là, et pourtant au final l'émotion qu'il apporte n'est pas négative, ni négligeable. Pire encore, c'est la première fois qu'il parvient à nous émouvoir. Si bien qu'arrivé un point, on s'oblige à ne pas pleurer, en se disant "non, coco, tu ne pleures pas, c'est Franck Dubosc". Pour l'honneur... On va donc voir le film sans rien en attendre, et même avec l'envie de pouvoir cracher aisément sur des bons sentiments assez nauséabonds. La bande-annonce est ridicule, ne donne pas du tout envie (d'ailleurs les chiffres du box-office sont au diapason avec la bande-annonce). Le scénario s'installe très rapidement, il n'y a pas beaucoup de personnages. Il y a un commercial, Marc, qui vante ses produits, mais qui en dehors de ça ne fait pas grand chose de sa vie. Par hasard, suite à une rencontre inattendue, il donne son contact à une femme, "si elle a besoin de quoi que ce soit". Elle prendra l'offre au pied de la lettre, lui laissant sur les bras un enfant, qu'il devra emmener dans le sud de la France. Elle sera expulsée dans son pays d'origine. La vie de Marc bascule ce jour-là. 10 jours en or, un titre inutilement mélodramatique, raconte donc cela, un road-movie, une adoption mutuelle entre deux êtres qui désormais seront inséparables.

 

Maladroits et crispés (...) ces "10 jours en or" sont encore loin de toute révélation, mais donnent sans conteste envie de rendre à [Franck Dubosc] une confiance que l'on n'avait jamais été tenté de lui faire.

Le Monde


Evidemment, on retrouve toutes les ficelles d'un roadmovie "initiatique", avec son petit lot de personnages hauts en couleur (ici, Marie Krémer, plutôt pas mal, et Claude Rich, en roue libre, et assez ridicule, tellement qu'il devient presque touchant), ses poncifs (disputes puis réconciliations, incidents puis réparations miraculeuses, apprivoisement continu, jusqu'à l'usure du spectateur), ses gros sabots, ses multiples invraisemblances... On ne sait même plus pourquoi ça finit par fonctionner. Le film est quasiment attachant, Franck Dubosc distille un charme qu'on ne lui connaissait pas, sa relation avec le petit Mathias Touré est assez touchante (même si le gosse ne parait pas assez spontané). La réalisation est plate, la musique absolument pas mémorable, le scénario linéaire, mais le tout se suit sans déplaisir. Le film se donne bonne conscience avec un sous-propos sur l'immigration et la jungle de Calais, avec une mort qu'on attendait pas là, et qui surprend. Ca pourrait repousser, on trouve finalement que ça sauve en partie un film au contenu assez maigre. Bref, il n'y a rien de très bon dans ce film, mais il n'y a rien non plus qui énerve, qui ennuie. Il y a même quelques scènes qu'on retiendra, telle celle du dîner avec une famille, très chaleureuse, ou encore quand Franck Dubosc annonce à Mathias qu'il ne reverra plus sa mère, assez touchant, même si la fin revient à un classicisme pur et dur. Sans aspérités, un bon moment de détente, qui n'est ni vilain ni stupide.

 

10-jours-en-or-2.jpg

 

55%.

Partager cet article
Repost0
19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 21:11

ET SI ON VIVAIT TOUS ENSEMBLE?

Stéphane Robelin

 

2 étoiles

 

EN BREF:

Un film d'abord assez drôle, puis très vite mordant, et finalement très touchant. Mention spéciale au couple Pierre Richard-Jane Fonda. On ne boude pas son plaisir.

 

et si on vivait

 

Quand on entre dans la salle, on est persuadés qu'on va voir une agréable daube, de celles qu'on aime de temps en temps regarder, pour oublier le reste, et ne s'inquiéter que de petites histoires sans conséquences. On se rend rapidement compte qu'on a trop vite parlé du film. Ne pas se fier aux apparences, Et si on vivait tous ensemble? n'est pas qu'une chronique sur les joies et déboires de la vieillesse, c'est aussi un point de vue sur notre perception de celle-ci, les tabous et les manques de cette frange finalement assez abstraite. Qui ne s'est pas demandé un jour ce que faisaient nos grands-parents lorsque nous ne sommes pas en train de partager ce déprimant repas le plus souvent dominical? Voici la réponse à nos questions, dans une comédie pas si comique que ça, servie par un grandiose casting, deux légendes vivantes (Fonda et Richard), trois immenses noms (Rich, Chaplin et Bedos), et une valeur sûre du "jeune" cinéma (Brühl). Trois tableaux au départ: Claude est seul, encore très actif sexuellement (avec des prostituées); Albert a des poussées d'Alzheimer, et sa femme Jeanne, qui va bientôt mourir, s'inquiète de le laisser seul; Annie et Jean sont un peu seuls, minés par ce temps qui passe. Quand le coeur de Claude se met à vaciller, et qu'une amitié de plus de 40 ans est mise à mal par la vie qui fait des siennes, une décision s'impose, on va vivre ensemble, et s'entraider. Vient s'ajouter à cela un universitaire, qui fait une thèse sur les personnes âgées, et observe cette communauté se faire, avec des accrochages, des petites révélations et des grands bonheurs.

 

"Et si on vivait tous ensemble ?" (...) se révèle tonique, drôle et touchant. Grâce à une troupe solidaire de comédiens bien nés dont la valeur se fout du nombre des années.

Marianne


En filmant ainsi une communauté de personnes âgées, le réalisateur réveille un petit rêve pour nous, enfants ou petits-enfants de ces personnes dont la question de la dépendance finira par arriver. On aimerait bien que nos ascendants se trouvent des amis comme ça, et qu'ils profitent pleinement de leur vieux jours, en bonne et vivante compagnie. Stéphane Robelin, dont c'est le deuxième long-métrage, trace son film comme une utopie, ce bonheur vers lequel on aimerait tendre, plus tard, mais qui reste difficilement réalisable. Des réconciliations, des engueulades, du bon vin, des bons mots sur la condition de la vieillesse... Tout ceci n'aurait aucun charme sans l'intervention d'un casting parfait, et c'est le meilleur rôle de tous les "vieux" acteurs depuis des années ("pas si vieux que ça", comme dit Daniel Brühl dans le film). Il y a une sorte de valeur ajoutée, une poésie qu'on aurait surement pas eu avec des vieux inconnus. Parce qu'on a tissé des liens avec chacun de ses acteurs, parce qu'on les retient forcément dans leur jeunesse, et qu'on sait quelle a été leur évolution.

 

Un poil informe, reposant sur l'abattage de son casting, le film fait mouche du côté du crépuscule, grâce au couple improbable Jane Fonda/ Pierre Richard.

Les Inrocks


Mais ils n'effacent pas le talent certain du réalisateur pour l'écriture, certaines scènes sont des bijoux, à commencer par la dernière, plutôt forte, qui vous décoche, sans que vous vous en rendiez compte, une petite larme, et qui vous laisse sur une belle émotion. Les personnages sont ciselés, joliment dessinés, toujours avec une personnalité bien marquée, et on retient de tous certains détails. D'Albert (parfait et touchant Pierre Richard), on retient la manière poétique de noter ce qu'il ne veut pas oublier. De Jeanne (impériale Jane Fonda), on retient la fougue de vie, le désir de sensualité. De Claude (Claude Rich), on garde ce désir, que rien ne pourrait estomper, cette envie de profiter, malgré un problème de coeur. De Jean (Guy Bedos), on ressent cette brisure subtilement amenée de vieux militant. D'Annie (Géraldine Chaplin), on garde la douce folie d'une grande enfant. Nage au milieu de cette communauté le personnage auquel le public plus jeune s'identifiera, qui découvre un lieu de vie, une chaleur qu'il croyait interdite à cette tranche d'âge, des amours effacées du champ des possibles. Stéphane Robelin réalise un film d'une agréable, drôle et douce folie, qui se termine sur une note infiniment touchante, dans une scène qui mêle la fugacité d'une vie à la solidité d'une amitié.

 

et-si-on-vivait-2.jpg

 

64%.

Partager cet article
Repost0
16 janvier 2012 1 16 /01 /janvier /2012 20:36

LES NOUVEAUX CHIENS DE GARDE

Gilles Balbastre, Yannick Kergoat.

 

3 étoiles

 

EN BREF:

Une charge jouissive, militante et forte contre ces obscurs lien médiatico-politiques. Un documentaire rythmé en diable, fascinant, particulièrement drôle, et particulièrement enrageant!

 

les-nouveaux-chiens-de-garde.jpg

 

1932, Paul Nizan, alors philosophe, publie Les chiens de garde, pamphlet contre les philosophes et écrivains de l'époque qui, sous couvert de neutralité, étaient les gardiens d'un nauséabond ordre établi. 2012, Gilles Balbastre et Yannick Kergoat filment Les nouveaux chiens de garde, documentaire à charge contre les nouveaux gardiens de l'ordre, ces journalistes, ces éditorialistes, ces experts médiatiques. Il est effroyable de voir à quel point les propos de Paul Nizan (dont quelques courts extraits sont lus dans le documentaire), sont d'actualité. Pour attaquer cette "famille" médiatico-politique, les deux documentaristes prennent trois angles d'attaques, en divisant leur film en trois parties: l'indépendance, l'objectivité, et le pluralisme, idées reçues par un grand public déjà sous l'influence des grands groupes (très drôle séquence d'une journée sans Lagardère). Tout y passe: les grands actionnaires (Lagardère, Bouygues...), les chaînes de télé, les radios (y compris du service public), les journaux. Balbastre et Kergoat semblent presque s'amuser à démonter de la sorte une logique fondée sur la rentabilité de l'information, sa marchandisation. Leur objectif n'est pas compliqué, et les exemples ne manquent pas pour discréditer une politique d'information générale. Quid de l'indépendance? Regardez ces grands groupes, qui accaparent l'espace médiatique en une seule poignée de dirigeants. L'objectivité? Regardez Claire Chazal, défendant son patron Martin Bouygues, lors d'une interview avec François Bayrou, qui déplore les accointances des grands industriels propriétaires de médias avec le président, voyez ces sujets de TF1 qui ne parlent pas des dysfonctionnements dans la construction d'un EPR, alors que Bouygues en est le principal constructeur... Le pluralisme? Jettez un oeil sur le mercato annuel des médias, en particulier saison 2010-2011, avec des journalistes capables de passer d'un média à l'autre, sans cohérence (Demorand restant l'exemple le plus frappant, en passant du service public avec France Inter, à la radio privée avec Europe 1, puis au quotidien Libération), et sans vergogne aucune.

 

Le récit s'autorise de vrais tours de force, entre esprit potache (les effets de montage) (...) et pure déconstruction analytique (...). Le mode militant ouvertement assumé par le film dessine un cadre de réflexion pratique (...).

Les Inrocks


L'attaque que fondent ici les deux documentaristes est loin d'être nouvelle. Bourdieu en avait fait un thème de prédilection dans son exercice de la sociologie, Pierre Carles a repris les thèses du sociologue, en continuant le combat. Mais cette attaque est ici totalement renouvelée, parfaitement moderne, et très intelligement construite. A vrai dire, le propos est cinglant, il claque et ne laisse aucun répit à ses victimes. Le spectateur est dans son siège, complètement attentif du début à la fin. Le parallèle préoccupant entre l'oeuvre de départ et son adaptation aujourd'hui est passionnant. Le docu commence avec légèreté, on a l'impression d'entrer au cirque, les séquences ressemblent fortement, dans leur style, à celles du Petit Journal, et on rit beaucoup. C'est cynique, et les idées d'infographie se succèdent, imposant au film une étonnante dynamique. La musique est au diapason, notamment lors de ces scènes du "dîner du siècle", qui se passe tous les mois en secret à Paris, entre des industriels, des hommes politiques, des journalistes de tous bords (Chabot, Elkabbach et tant d'autres...). Cette première partie sur l'indépendance est implacable, férocement drôle, et le propos est tellement entendu qu'on y voit une légèreté, une sorte de piqûre de rappel salutaire, parce que toujours importante.

 

Un documentaire féroce et drôle, qui veut aussi secouer notre sens critique. C'est fait.

Le Journal du Dimanche


La deuxième partie, sur l'objectivité, alterne toujours mise en scène gagesques (ah ce ballet de la réforme, ce théâtre de l'insécurité...), mais implique aussi un propos un peu plus grave. Quand l'information se trouve modifiée par des conflits d'intérêt, c'est une démocratie boiteuse qui est mise en place. Et la troisième partie, sur le pluralisme, est révoltante. Quand l'information intéressée façonne l'opinion, quand les journalistes peuvent impunément troquer leur siège contre un autre, ou vouer à leur patron (actionnaire principal) un culte sans failles (Jean-Pierre Elkabbach sur le divan de Michel Drucker, tous deux employés de Lagardère, lui-même invité sur le plateau de Vivement Dimanche, une immense leçon de cirage de pompes), qu'ils affichent sans complexes. Et surtout, quand des médias a priori pluriels, opèrent ensemble une rigoureuse stigmatisation de plusieurs franges de la société. Effarant exemple des banlieues, ahurissant exemple de la crise, avec Alain Minc, qui annonçait avoir une "totale confiance en une économie qui s'autorégule parfaitement", en février 2008, affligeant exemple de l'affaire d'Outreau (ou toute une région nordique était peu à peu perçue comme déviante, avec le chômage, la misère, qui ont bon dos), et bouleversant exemple d'une crise sociale. Lorsque l'on voit parler Bernard Henri-Lévy, "grand philosophe de gauche", lorsqu'on l'entend dire que "malgré la misère sociale, malgré les licenciements, obliger un homme à rester dans un bureau est une chose inhumaine", on est indigné. Indigné parce qu'on se demande quelle violence est la plus légitime: celle, morale, infligée par des médias à des catégories sociales "inférieures", ou celle, physique, infligée par des manifestants qui n'ont aucun autre moyen d'être audibles. Indigné par des médias qui veulent nous faire croire qu'ils nous ressemblent. On sort révolté contre cette grande famille, et on se demande pourquoi on est tombé dans certains panneaux. Pourquoi fait-on marcher TF1? Pourquoi tous ces journalistes qui se fourvoient à animer des évènements autour de produits commerciaux officient-ils encore librement? Pourquoi faisons-nous confiance à ces experts en carton qui gagnent des mille et des cents en prêchant que le SMIC doit être baissé pour favoriser l'emploi? Gilles Balbastre et Yannick Kergoat nous font une salutaire piqure de rappel, dans un documentaire vif, énergique, passionnant, inventif, révoltant!

 

les-nouveaux-chiens-de-garde-2.jpg

 

73%.

Partager cet article
Repost0
16 janvier 2012 1 16 /01 /janvier /2012 00:15

IL N'Y A PAS DE RAPPORT SEXUEL

Raphaël Siboni

 

3 étoiles

 

EN BREF:

Contre toute attente, une véritable proposition de cinéma. Un documentaire tour à tour drôle et glaçant, qui suscite chez son spectateur un questionnement vaste et passionnant.


      il-n-y-a-pas-de-rapport-sexuel.jpg

 

Je ne comptais absolument pas aller voir ce film. Seulement, après être tombé sur l'émission de Frédéric Taddeï, Ce soir (ou jamais), de laquelle HPG (réalisateur de films pornos) était invité, je me demandais quel était ce film, qui amenait sur le plateau une tension, d'un côté la morale bien pensante, qui condamne, de l'autre les compréhensifs, et HPG au milieu de tout ce petit gratin. Qui est donc ce type, dont le propos a fait fuir Biyouna du plateau? Donc, ce dimanche, je me décide, MK2 Beaubourg, en présence de Raphaël Siboni (qui a un point de vue intéressant sur la pornographie et le sexe en général) et de HPG (qui est de très mauvaise foi quant aux critiques qui lui sont adressées). La séance en soi était assez gênante. Pour la première fois dans notre vie, devant un film non classé X, on allait regarder, en groupe, des images à caractère pornographique, ou du moins très suggestives pendant 1h20. Un peu fébrile, après une courte mais claire présentation par le réal et son pantin, on attend le noir. Et c'est parti. On est pas déçu, 80 minutes de sexe sous toutes les coutures. Mais rassurez-vous très vite: l'image n'est pas franchement excitante, et on s'intéresse plus au propos sous-jacent du film et à l'observation d'un infime microcosme qu'au sexe qu'il montre.

 

Moins aléatoire qu'en apparence, ce kaléidoscope évite le piège de la complaisance pour construire une mise à nu, au propre comme au figuré, pleine de désarroi, de mélancolie et d'une auto-ironie au vitriol.

TéléCinéObs


Le documentaire est un montage d'images de making-of. Une caméra sur un trépied est constamment en train de filmer les tournages de HPG, et Raphaël Siboni (on se demande dans quelles conditions a-t-il regardé les milliers d'heures de rushes) a fait un montage de ces images selon son point de vue. Un point de vue assez personnel, qu'on retrouve dans le titre, selon une phrase de Lacan, "il n'y a pas de rapport sexuel". Le réalisateur s'explique assez justement en affirmant que dans l'acte sexuel, la jouissance est extrêmement personnelle, et qu'a priori, ce serait le moment ou les deux corps, bien qu'enlacés, sont les plus éloignés du rapport. Et pendant tout le documentaire, c'est bien une désacralisation totale de l'acte sexuel et pornographique qui est mise en place. Lorsqu'on voit des réalisations de bruitages, des "fausses pipes", la fatigue, les attentes, l'absurdité avec laquelle les scènes de sexe sont filmées, sans aucun affect, très machinalement (il faut, pour être acteur porno, pouvoir bander et jouir sur commande, quand bien même le ou les partenaires ne sont pas à votre goût), alors oui le documentaire prend tout son sens. En montrant ce rapport au corps très matériel, jamais sensuel (excepté lors d'une très belle scène, d'une grande douceur, en extérieur, ou les deux acteurs ne sont plus dans la pornographie, mais basculent soudain dans la tendresse, les caresses, une sorte de grâce).

 

Il n'y a pas de rapport sexuel n'est jamais sinistre ou ennuyeux, il est même tour à tour fascinant et drolatique, parfois remuant (...), émouvant.

Cahiers du Cinéma


Le porno est quelque chose dont on parle rarement, qui reste dans un coin très intime. Il y a quelque chose de salutaire à le rendre si commun. Parce qu'il l'est, commun, parce que des millions de gens téléchargent et regardent des images et des films à caractère pornographique, et aussi parce que ce dénudement des corps est de plus en plus présent dans le paysage médiatique et artistique. Le porno, pour HPG, est une chose qui parait banale. HPG est de tous les plans, tantôt acteur, toujours dans la direction, jamais attachant, ni tendre. Lui, son but, c'est de se faire de l'argent, et, sur un tournage, d'être dans le plaisir immédiat, sans se creuser la tête pour créer des histoires, qui ralentiraient l'arrivée de l'acte sexuel à l'écran. Spectateur de ce documentaire, il arrive que l'on soit choqué. Parce qu'on accepte mal que des acteurs pornos puissent faire ce métier de manière consentie et assumée. Il arrive aussi que l'on soit totalement bidonné, et c'est la grande surprise du film. Et, par deux fois, on est ému. Lors de cette scène de douceur, qui apparait sans mot dire, discrète, autant mise en valeur que les autres, et lors de ce dernier et long plan, ou un acteur et HPG sont soûls, peut-être aussi soûlés de ce boulot qui demande de l'énergie, et un don de soi particulier mais total, peut-être en quête de repos, l'espace de quelques instants. Quand on voit ce qu'il y a derrière un film porno, ce n'est ni rassurant ni alarmant, c'est finalement très humain. On retrouve comme partout une absurdité, une vérité, une tristesse. La réalisation de Raphaël Siboni (un jeune artiste contemporain) est dénuée de tout jugement, elle offre à voir et à se questionner, et permet au documentaire, dont on avait peur qu'il devienne l'hégémonie de HPG, d'un porno hard et provoquant, de trouver un bel équilibre, et une cinégénie qu'on attendait certainement pas là.

 

il-n-y-a-pas-de-rapport-sexuel-2.jpg

 

65%.

Partager cet article
Repost0
15 janvier 2012 7 15 /01 /janvier /2012 15:38

J. EDGAR

Clint Eastwood

 

1 étoile bis

 

EN BREF:

Le fondateur du FBI par Clint Eastwood, ou un biopic peu intéressant pour qui ne connait pas l'histoire de cet homme. La réalisation est académique, le style particulièrement empesé, l'interprétation variable...

 

J.-Edgar.jpg

 

Comment Clint Eastwood arrive à passer, en quelques années, de sommets (Gran Torino, L'échange, Million Dollar Baby), à des films moyens (Invictus, Au-delà), puis à une oeuvre aussi insipide que J. Edgar? On attendait beaucoup du biopic du fondateur du FBI, J. Edgar Hoover, parce que la presse nous en disait beaucoup de bien (il n'y a qu'à voir ces articles élogieux dans Les Inrocks ou dans Libé, chose étonnante), parce que DiCaprio est un des meilleurs acteurs de sa génération, parce qu'on nous promettait un Eastwood qui sort de l'ordinaire, allant même jusqu'à provoquer aux Etats-Unis une polémique sur l'homosexualité présumée du personnage. Pour qui ne connait pas, avant le film, l'histoire de J. Edgar Hoover, le fait que l'homme soit homosexuel n'est pas une grande révélation, quand bien même c'est cette présumée histoire d'amour qui offre les meilleurs passages du film. Eastwood se propose de revisiter l'histoire du XXème siècle, aux Etats-Unis, au travers du prisme de la création et de l'évolution du FBI, ainsi que de son dirigeant et fondateur. La création du FBI (1924), la crise de 29, la chasse aux bolchéviques, la "guerre contre le crime" des années 30, l'affaire du Ku Klux Klan, les affaires de contre-espionnage, tout y passe, tout est survolé. On est dans une "fresque historique", qui nécessite une certaine culture générale, sous peine de s'y perdre assez rapidement (ce qui fut mon cas, à certains moments). Eastwood ne s'embarasse pas d'explications sur les ressorts historiques de certains passages, si bien que certains faits évoqués restent un mystère total pour le spectateur.

 

On s'ennuie ferme devant ce thé­âtre de chambre vieillot et funèbre.

Télérama (contre)


On peut accrocher au film, et le trouver passionnant. On peut aussi le trouver extrêmement sombre, d'une froideur étrange quand on sait ce qu'Eastwood a pu filmer, et très bavard, ne laissant à la sensation aucun droit de cité. On suit, deux longues heures et quart durant, des discussions interminables qui se résolvent souvent par des arrestations, on est dans un milieu qu'on sent très fermé, rejetté d'abord par l'opinion publique, puis respecté à la suite d'évolutions, et surtout on est dans un milieu très riche, qui se regarde avec beaucoup d'autosatisfaction, un cadre très feutré légèrement dérangeant quand on met celui-ci en parallèle avec l'action de terrain. L'homme que l'on suit, on va rapidement le connaitre. Le scénario est simple, mais devient très vite fouilli, à force de flash-backs incessants et vite agaçants. J. Edgar Hoover est en fin de vie, on le sent, et décide de raconter ses mémoires à un jeune loup. Hoover est un homme froid, distant, difficilement atteignable, et pourtant affaibli et seul. Avec trop d'orgueil pour avoir ne serait-ce qu'un simple recul sur sa vie. Il embellit les faits qu'il raconte, et occulte sciemment une partie de sa vie (celle privée, qu'il ne souhaite dévoiler à personne). Lui qui a tenu des propos homophobes, lui qui s'est toujours montré intransigeant face aux "déviances", il aurait eu une liaison avec son bras droit de toujours, Clyde Tolson. C'est, de loin, la meilleure partie du film. Parce qu'elle est toute en suggestion, parce qu'elle est discrète. On sent sans peine la gêne occasionnée par ces sentiments partagés, et le cinéaste, sans nous frustrer, sait n'en montrer que peu.

 

Desservi par un scénario confus signé Dustin Lance Black ("Harvey Milk"), qui multiplie inutilement les allers-retours temporels, le film se tient trop à distance du personnage pour rendre pleinement sa dimension tragique, et ce malgré un DiCaprio habité par le rôle.

TéléCinéObs


On ressort du film très déçu. On nous parle des exploits maquillages sur le film, on s'en fiche un peu, la seule chose que l'on voit, c'est la défiguration de Armie Hammer, qui joue Clyde Tolson. Leonardo DiCaprio, dont la prestation semble clignoter en indiquant "où est mon Oscar, où est mon Oscar?", est certes très bon, mais son interprétation n'est pas exceptionnelle, on ne la retiendra pas à vie. Naomi Watts ne sait pas trop ce qu'elle fiche là, elle au personnage si peu consistant, seule marque affective dans le paysage social de Hoover (et elle aussi, en vieille, elle inquiète plus qu'elle ne parait crédible). Les dialogues abondent en tous sens, on lâche souvent l'affaire, et on pique du nez. Le film est empesé, très long, trop sombre, académique (et c'est un euphémisme). Le moins bon Eastwood qu'il m'ait été donné de voir (malgré Au-delà, qui, bien que moyen, ne méritait pas selon moi ce déchainement critique). Il ne reste donc pas grand chose de J. Edgar, si ce n'est un maigre intérêt sur l'image d'un personnage public, souvent contradictoire. On attendait pourtant le scénariste de Harvey Milk au tournant (Dustin Lance Blake), mais Eastwood n'aura pas eu le talent de Van Sant pour montrer l'homosexualité d'un personnage public. On oubliera J. Edgar bien rapidement.

 

J.-Edgar-2.jpg

 

45%.

Partager cet article
Repost0
12 janvier 2012 4 12 /01 /janvier /2012 23:10

festival d'hiver

 

LOUISE WIMMER

Cyril Menneguin

 

3 étoiles

 

EN BREF:

Un intense portrait de femme, emporté par la prestation habitée et audacieuse d'un nom que l'on oubliera pas, Corinne Masiero.

 

louise-wimmer.jpg

 

Une femme se lève. Elle est dans sa voiture, sur un parking. Tout près passent des voitures pressées, et elle enfile ses pompes. Elle travaille pour trois francs six sous comme une femme de ménage dans un hôtel, et chez un particulier. N'a pas assez pour se payer un logement, et vivote. Communique peu, n'inspire en rien la sympathie. L'accompagnent une émotion, sur la musique qu'elle écoute en boucle, Sinnerman, chanté par Nina Simone, quelques relations superficielles (avec un homme au bar, avec un amant qu'elle voit de temps en temps, avec sa fille, qui supporte mal de voir sa mère dans cet état), et sa voiture. Elle demande un logement social, en faisant croire, par fierté, qu'elle a un logement. Louise Wimmer, taiseuse et teigneuse, s'installe pourtant en nous, avec une implacable force. Parce que sa vie reflète un état général d'un pays. Parce qu'on loue son courage, comme on excuse son caractère au vu de sa situation. Et parce qu'on a peur. Tout cela parait si crédible, si juste, tout cela est si fort qu'on a la crainte de s'y perdre, de tomber nous aussi. L'identification est totale, l'attention entière.

 

En ces temps de crise qui écrase et qu'on voudrait faire passer pour une fatalité, "Louise Wimmer" est un cri de révolte qui porte loin.

TéléCinéObs


Louise Wimmer nous intrigue, nous emporte dans son tourbillon brut et sans fard, dans l'intensité rugueuse de son quotidien jalonné de refus, d'engueulades. Et nous impose sa personnalité forte et contradictoire. Elle ne veut pas attirer sur elle de regard compassionnel, reste fière et déterminée, quoi qu'il arrive, et manifeste un attachement viscéral et vital à sa voiture, si bien qu'elle ne craque à l'écran que lorsque sa voiture est menacée d'être prise par ceux à qui elle doit de l'argent. Cette femme-là est dans le réel, qui devient étouffant, sans cesse menaçant, uniquement brisé par la voix de Nina Simone. Le réalisateur, à suivre, a été inspiré par la chanteuse pour composer son portrait de Louise Wimmer: "C'est un exemple de femme qui n'a jamais baissé les yeux, à la fois sublime et monstrueuse, une méchante femme, une drôle de voix, avec de la douleur en elle". Et de fait, la filiation est évidente, et le film n'existe que par cette intériorisation de la douleur en cette femme, et par cette opposition sublime/monstrueux. Si bien que quand elle lâche ce masque, quand elle se perd, quand elle est ivre, Louise Wimmer est bouleversante. Deux scènes marqueront à jamais l'esprit des spectateurs. Dans l'une d'elles, ivre, elle se retrouve dans les bras d'un homme. S'oubliant, elle pleure, serrée contre cet homme, et le supplie. "Serre-moi fort", répète-t-elle en complainte déchirante. Dans l'autre, elle entre en transe, apporte une beauté folle au sinistre qui l'entoure. Et arrache ce qui l'éloigne de sa vie, à la fin de cette sublime transe: elle jette cet autoradio. On quitte le film gonflés à bloc, oubliant tous les points moins forts du film (un rythme qui s'oublie parfois, lui aussi, une image légèrement terne, des seconds rôles pas toujours très fins...). Cyril Menneguin est à regarder de très près, Corinne Masiero aussi, elle qui donne à cette femme "sublime et monstrueuse" un grand élan de vie et une combativité sans faille, elle qui donne son sens à un film d'aujourd'hui, indigné mais loin d'être résigné!

 

louise-wimmer-2.jpg

 

69%.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de levolution.over-blog.com
  • : Critiques des films récents, bilans mensuels... Coup de coeur, coup de blues, l'évolution du cinéma, et la mienne, aussi.
  • Contact

J'écoute...

Recherche

LES 10 DERNIERS COUPS DE COEUR

Les amants passagers

Les amants passagers

Queen of Montreuil

Queen of Montreuil

The sessions 2

The Sessions

Syngué sabour

Syngué Sabour

Les chevaux de Dieu

Les chevaux de Dieu

Wadjda

Wadjda

Archives

Catégories